Blog : 31 octobre 2011

"Les Autres"

 

 

 

La tarte à la citrouille fut finalement dégustée devant Les Autres. À la troisième vision, je suis toujours aussi impressionnée par la virtuosité du film d’Alejandro Amenábar. C’est peut-être le plus beau film fantastique que j’aie vu ces dix dernières années. C’est en tout cas l’un des plus denses, et l’un de ceux qui osent aller au bout de cette règle d’or du genre, à mes yeux, qu’est la nécessité d’une logique interne forte.

 

L’histoire des Autres est classique. Dans l’Angleterre de la Seconde Guerre mondiale, Grace vit seule dans un manoir isolé avec ses enfants Anne et Nicholas. Les deux enfants sont atteints d’une maladie qui leur interdit d’être exposés à la lumière ; les rideaux du manoir sont constamment tirés. Trois serviteurs en quête de travail frappent à la porte de Grace. Ils semblent attendre quelque chose. Pendant ce temps, la petite Anne affirme avoir parlé à un autre enfant, Victor, qui habiterait les lieux mais que personne ne voit jamais.

 

C’est la première des deux histoires que raconte Les Autres. L’autre ne se dévoile qu’à partir de la deuxième vision. On pourrait croire qu’il s’agit d’un de ces films qui se reposent entièrement sur une révélation finale et ne prennent pas la peine d’offrir autre chose au spectateur. Or, c’est tout le contraire. J’irai jusqu’à dire que Les Autres ne commence réellement qu’avec le générique de fin. À partir de là, la vision du film ne sera plus jamais la même. Le point de vue adopté change légèrement ; les scènes se chargent de non-dits, les dialogues prennent un double sens qui nous avait échappé jusque là. Je connais peu de films fantastiques qui soient d’une telle finesse dans l’attention portée à ces détails : toute l’histoire se déroule, presque littéralement, entre les lignes. C’est l’histoire d’une maison qui est peut-être hantée, ou peut-être pas. Mais c’est aussi un conte sur le déni et l’acceptation, le secret et la vérité, l’oubli et la mémoire. Dualité symbolisée par le jeu d’ombres et de lumières induit par la maladie des enfants, et tous ces rideaux que l’on ouvre et ferme constamment : on peut vivre caché dans l’ombre ou laisser entrer la lumière, il n’appartient qu’à soi d’en décider.

 

Au cœur de tous ces enjeux, un personnage me touche particulièrement, celui de la petite Anne tiraillée entre deux vérités, deux visions du monde. Tous les personnages sont d’une richesse et d’une complexité remarquables, mais Anne l’est d’autant plus par la position centrale qu’elle occupe : elle est toujours à deux doigts de percer le mystère que sa mère s’obstine à nier, mais elle n’a pas les mots pour le dire. La petite Alakina Mann, qui ne devait pas avoir plus de dix ans à l’époque du tournage, l’incarne avec un aplomb et une finesse impressionnantes. Et puis il y a la Grace de Nicole Kidman, agaçante et poignante à la fois, braquée sur ses principes et refusant d’entendre une vérité qui risque d’ébranler sa vision du monde.

 

Les Autres est sorti il y a tout juste dix ans. On dispose désormais d’assez de recul pour pouvoir affirmer qu’il s’agit d’un authentique chef-d’œuvre du cinéma fantastique.

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Sacrifice de citrouilles

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En ce lundi 31 octobre, souhaitons bon courage à toutes les citrouilles (y compris celle que j’ai sacrifiée rituellement hier soir dans ma cuisine pour la transformer en tarte). Je ne sais pas pour vous, mais la perspective de passer la soirée à me goinfrer de tarte maison devant des films fantastiques a le don de me mettre de très bonne humeur. Ça devrait être soit Carrie, soit Les Autres, voire les deux.

 

Première séance hier soir pour se mettre dans l’ambiance avec Rosemary’s Baby. J’avais oublié à quel point l’ambiance de ce film est singulière. L’histoire est classique mais la mise en scène l’est nettement moins. Le malaise est renforcé par le parti pris de renforcer les aspects les plus grotesques (comme le visage grimaçant de la sinistre voisine des Woodhouse) tout en fonctionnant au premier degré de manière parfaitement sincère. D’où l’impression que les scènes incontournables du genre ne sont jamais montrées telles qu’on les attendrait. J’ai été marquée notamment par cette scène où Rosemary se réfugie chez le Dr Hill juste avant son accouchement et lui déballe toute son histoire. À mesure que le récit avance, même le spectateur qui la suit et la croit finit par n’y entendre que le délire d’une folle paranoïaque. Et que dire de cette longue scène finale dans le salon des voisins, si ce n’est qu’elle est délicieusement malsaine.

 

Rubrique agenda : j’ai déjà annoncé ici la soirée du 15 novembre à la librairie Scylla à laquelle je participerai en compagnie de Lisa Tuttle, Ian McDonald, Lucius Shepard et quelques autres. Le 29 novembre, je serai également à Vitré pour une rencontre à la médiathèque Madame de Sévigné, à partir de 20h. Et le 10 décembre, aux Rencontres de l’Imaginaire de Sèvres où je présenterai notamment le recueil de Lisa Tuttle, Ainsi naissent les fantômes.

 

Pour finir, quelques liens vers des choses postées ici et là. Une « interview automatique » pour le site Insect TV, sur le principe sympathiques des neuf mêmes questions posées à tous les participants (interview accompagnée de trois photos originales : visage, main, outil de travail). Les archives de l’interview-chat réalisée récemment sur le forum L’Alchimie des mots. Et quelques papiers postés sur le Cargo : chroniques des albums de Phoebe Killdeer & The Short Straws et My Brightest Diamond, d’un concert de Phoebe Killdeer, du film  We need to talk about Kevin (dérangeant mais pas totalement abouti), de la sixième saison de  Doctor Who en essayant de la replacer dans son contexte pour les néophytes.

 

Musique de circonstance : attention, ça vous reste dans la tête toute la journée.

 

 

 

 

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