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Persona 5 Royal : donjons et révisions

Arrivée aux deux tiers du jeu (70h englouties depuis le début de l’été), je peux affirmer que Persona 5 Royal, que je joue sur Switch, est un énorme coup de cœur. Je précise que je n’ai pas joué aux autres Persona ni à Shin Megami Tensei dont la série est un spin-off, et je découvre en bloc tout cet univers réjouissant.

On y suit un groupe de lycéens qui découvrent l’existence d’un métavers reflétant la psyché des humains, et notamment de certains criminels dont les désirs tordus matérialisent des sortes de donjons nommés « Palais » dont ils sont le boss final. Ainsi, un prof harceleur se voit comme le roi d’un château où les élèves sont ses esclaves. Le groupe se baptise « Voleurs fantômes » et entreprend d’infiltrer ces Palais pour y voler des objets symbolisant ces désirs tordus, provoquant ainsi une métanoïa, un changement de personnalité qui pousse les criminels au repentir.

La grande originalité du jeu est l’alternance de phases de RPG classiques avec infiltration et combats au tour par tour et de la description d’une année scolaire, examens et voyages de classe compris, où l’on dispose d’un temps limité pour accomplir des activités qui boostent les capacités du personnage. On joue aux fléchettes pour renforcer la cohésion de l’équipe, on gagne des points de courage en relevant le défi d’un fast food consistant à manger un burger gargantuesque en un temps limité, on augmente ses points de vie à la salle de sport, on noue des liens avec des personnages représentant chacun un arcane du tarot, qui permettent de gagner des bonus spécifiques. Beaucoup trop d’options et pas assez de temps, c’est là que réside la difficulté du jeu.

Une fois qu’on a pris ses marques et qu’on s’est habitué·e à la structure un peu rigide des journées et à la longueur de certains dialogues, le jeu devient extrêmement fun et addictif. Les phases d’infiltration m’ont marquée par l’originalité et la diversité de la représentation des espaces mentaux, avec à certains moments une finesse qui m’a rappelé les Silent Hill, l’angoisse en moins (notamment lors de l’histoire poignante d’une gamine traumatisée par la mort de sa mère). On s’amuse beaucoup avec les « Personas », sorte d’archétypes de fiction qui donnent leurs pouvoirs aux personnages et qu’on peut capturer, fusionner, modifier pour gagner en puissance. Arsène Lupin, Zorro, Carmen, Anubis, Athéna, Thanatos ou encore un Belphégor à l’air vraiment chelou, il y en a des dizaines.

Autre point fort, l’intrigue est vraiment prenante et réussit à se renouveler constamment alors qu’elle s’appuie sur une structure figée (alternance de périodes de calme, préparation aux donjons, infiltration, retour au calme et ainsi de suite) et que le jeu dure une centaine d’heures. C’est très malin et la galerie de personnages est aussi attachante que parfois improbable, comme ce personnage à tête de chat qui jure qu’il a été humain et se change en fourgonnette en disant « ‘Ben quoi, c’est courant dans l’imaginaire, les chats qui se transforment en bus ! »

Le seul point noir pour moi réside malgré tout dans le traitement des personnages notamment féminins (sexualisés d’une manière parfois gênante) ou LGBT+ (pour le peu qu’on en croise). La sous-intrigue de la prof qui arrondit ses fins de mois en jouant les « soubrettes » et qui tombe un soir sur ses élèves, on aurait pu s’en passer. J’ai cru comprendre que c’était un problème récurrent dans la série.

Pour le reste, l’intrigue, le graphisme, l’ambiance musicale, le gameplay m’ont emballée à tous les égards. Je suis à la fois impatiente d’atteindre la fin et un peu triste de savoir que je quitterai alors ces Voleurs fantômes auxquels je me suis tellement attachée.

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“Riddle of Fire”, foncez si vous pouvez !

J’aurais vraiment aimé vous recommander ce premier film de Weston Razooli, mais il passe dans si peu de salles que vos chances de le voir sont très minces, et c’est honteux d’enterrer dès sa sortie un film aussi réjouissant et original. Une sorte d’histoire de gosses pour adultes, un genre de Goonies chez les rednecks en mille fois plus barré, où un trio infernal de sales gosses fantasme le réel comme un jeu de rôle ou jeu vidéo et s’embarque dans une quête invraisemblable pour gagner le droit de jouer à la console. Le ton est très particulier, le casting génial, les personnages ont des gueules et du caractère, c’est très drôle et inventif. Si l’occasion de le voir se présente, maintenant ou plus tard, foncez. 

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“Astrid et Raphaëlle” : de l’amitié entre autistes et neurotypiques

Profitant que l’intégralité de la série soit disponible en replay sur France 2, je reprends du début Astrid et Raphaëlle dont je n’avais vu que des épisodes épars, et qui gagne à être vue dans la continuité. En termes d’évolution des personnages, il y a une finesse qui ressort davantage, notamment dans ce qui est pour moi l’aspect le plus réussi de la série : l’amitié sincère qui se développe entre ces deux femmes que tout semble opposer mais qui se respectent profondément et cherchent à se comprendre et à s’adapter l’une à l’autre. C’est très touchant et ça sonne extrêmement juste, d’autant que le duo d’actrices formé par Sara Mortensen et Lola Dewaere est parfait.

L’autre aspect qui me frappe, c’est la justesse, là encore, avec laquelle est abordé le thème de l’autisme. On sent une vraie connaissance du sujet et une volonté de faire passer beaucoup d’informations pour amener à une meilleure compréhension de ce qui peut passer extérieurement pour des bizarreries sans logique. Beaucoup de détails font mouche : la façon dont Astrid demande à Raphaëlle “Êtes-vous sûre que nous soyons amies ?”, la façon dont elle ne peut plus s’extraire d’une énigme une fois qu’elle est captivée, les échanges du groupe d’habiletés sociales autour des bizarreries des neurotypiques, et jusqu’à l’un des stims d’Astrid, sa façon de remuer les doigts, qui est aussi l’un des miens. Je n’ai tiqué que sur des détails assez rares, comme la fois où un personnage décrit un shutdown (un des deux types de crise autistique) comme une sorte de burn out, ce qui n’est pas exactement comparable en termes de durée et d’intensité, même s’il s’agit dans les deux cas d’un effondrement après avoir trop tiré sur la corde. Par ailleurs, les termes utilisés sont généralement les bons.

Je m’aperçois en cours de visionnage que je ne décolère pas de la façon dont Aspergirl, autre série sur une femme autiste qui se présentait comme une alliée, nous a poignardé·es dans le dos à plusieurs reprises, notamment son dénouement ni fait ni à faire. Je sens un respect beaucoup plus grand ici dans le traitement du personnage d’Astrid.

Cerise sur le gâteau, l’aspect alambiqué des énigmes est très plaisant et bien mené, les résolutions sont généralement à la hauteur des attentes suscitées, ce qui pousse à enchaîner très vite les épisodes. Même si, en fin de compte, c’est pour la justesse de cette relation d’amitié que j’y reviens. Un véritable échange, un lien très fort sont possibles entre neurotypiques et neuroatypiques, qui peuvent apprendre beaucoup les uns des autres, voilà ce qu’Aspergirl échouait à montrer et qui est traité d’une très belle façon ici.

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“Edward aux mains d’argent”, métaphore poétique de l’autisme

J’ai lu à plusieurs reprises l’anecdote selon laquelle Helena Bonham Carter, en faisant des recherches sur le sujet de l’autisme pour un rôle, s’était aperçue que Tim Burton semblait posséder un grand nombre de traits autistiques. S’il n’a jamais été diagnostiqué officiellement pour autant qu’on le sache, l’hypothèse éclaire certains de ses films sous un angle très intéressant, et l’un d’entre eux en particulier : Edward aux mains d’argent, revu ce soir pour la première fois à la lumière de ces éléments.

S’il est quasiment certain que Tim Burton, en 1990, n’a pas pensé consciemment à l’autisme en créant son personnage, le film en offre pourtant une métaphore saisissante, qui saute à la figure pratiquement à chaque plan quand on connaît un peu le sujet. Tout y est, dans la moindre mimique d’Edward, dans sa gestuelle embarrassée, dans son air de chercher constamment à déchiffrer le monde qui l’entoure, dans les petits mouvements incontrôlés de ses ciseaux rappelant des stéréotypies, dans sa solitude d’être différent, dans ses silences et sa voix timide et monocorde, dans son incompréhension des codes de la conversation, des doubles sens, de l’ambiguïté sexuelle. “Arrête d’être aussi littéral”, lui dit-on même dans l’une des scènes. Le film raconte l’histoire d’un personnage qui cherche à s’intégrer dans un monde qui ne lui ressemble pas, qui cherche à en comprendre toute la complexité, qui ne demande qu’à bien faire mais qu’on rejette au premier incident, qu’on accueille avec de grands sourires pour mieux le chasser ensuite. Un personnage capable d’une incroyable finesse dans les domaines qu’il maîtrise le mieux, mais totalement inadapté au quotidien de son nouvel environnement.

La petite ville où Edward tente de mener cette nouvelle vie ressemble d’ailleurs à un cauchemar de normalité vu par quelqu’un qui ne s’y reconnaît pas. Les teintes pastel des maisons sont écœurantes, tellement fades à côté des splendeurs du manoir gothique de l’inventeur, les sourires sont factices, les conversations sont creuses, les gens disent constamment des choses qu’ils ne pensent pas (ce point en particulier m’a semblé rendu avec une grande justesse : le désarroi d’Edward face au mensonge social, tellement contraire à son fonctionnement). La jolie petite ville et ses jolies petites vies rangées transmettent un malaise diffus, là où le manoir aux couleurs sombres paraît si accueillant et fascinant.

Le film n’est pas simplement un conte tragique et terriblement émouvant, qui saisit encore à la gorge après de multiples visions (j’avais presque oublié à quel point Johnny Depp était bouleversant dans ce rôle) ; c’est aussi, pour stylisée et sans doute inconsciente qu’elle soit, la métaphore de l’autisme la plus poétique que je connaisse, et l’une des plus fines.

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Tout ça n’était qu’à moi


J’ai perdu la douceur
Du blanc de ta fourrure,
J’ai perdu ta tiédeur
Pressant les couvertures,
J’ai perdu la douleur
De tes brusques morsures.

Tout ça n’était qu’à moi.

J’ai perdu tes humeurs
Et j’oublie ton histoire.
Le motif enchanteur
De la flamme et du noir
De tes fauves couleurs
Formait mon territoire.

Tout ça n’était qu’à moi.

J’ai connu ta maigreur
Et pleuré ton usure,
J’ai subi ta fureur
Au jour de la piqûre,
Puis l’abjecte impudeur
De ton dernier murmure.

Et tout ça n’est qu’à moi,
Compagne de mes heures,
Ma jolie créature,
Tout ça n’est rien qu’à moi.

Pour Savannah Fazi, partie le 14 juin dernier à l’âge de douze ans, deux mois et dix jours, dont douze ans ce mois-ci passés à mes côtés.

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