Blog : catégorie Séries

“Astrid et Raphaëlle” : de l’amitié entre autistes et neurotypiques

Profitant que l’intégralité de la série soit disponible en replay sur France 2, je reprends du début Astrid et Raphaëlle dont je n’avais vu que des épisodes épars, et qui gagne à être vue dans la continuité. En termes d’évolution des personnages, il y a une finesse qui ressort davantage, notamment dans ce qui est pour moi l’aspect le plus réussi de la série : l’amitié sincère qui se développe entre ces deux femmes que tout semble opposer mais qui se respectent profondément et cherchent à se comprendre et à s’adapter l’une à l’autre. C’est très touchant et ça sonne extrêmement juste, d’autant que le duo d’actrices formé par Sara Mortensen et Lola Dewaere est parfait.

L’autre aspect qui me frappe, c’est la justesse, là encore, avec laquelle est abordé le thème de l’autisme. On sent une vraie connaissance du sujet et une volonté de faire passer beaucoup d’informations pour amener à une meilleure compréhension de ce qui peut passer extérieurement pour des bizarreries sans logique. Beaucoup de détails font mouche : la façon dont Astrid demande à Raphaëlle “Êtes-vous sûre que nous soyons amies ?”, la façon dont elle ne peut plus s’extraire d’une énigme une fois qu’elle est captivée, les échanges du groupe d’habiletés sociales autour des bizarreries des neurotypiques, et jusqu’à l’un des stims d’Astrid, sa façon de remuer les doigts, qui est aussi l’un des miens. Je n’ai tiqué que sur des détails assez rares, comme la fois où un personnage décrit un shutdown (un des deux types de crise autistique) comme une sorte de burn out, ce qui n’est pas exactement comparable en termes de durée et d’intensité, même s’il s’agit dans les deux cas d’un effondrement après avoir trop tiré sur la corde. Par ailleurs, les termes utilisés sont généralement les bons.

Je m’aperçois en cours de visionnage que je ne décolère pas de la façon dont Aspergirl, autre série sur une femme autiste qui se présentait comme une alliée, nous a poignardé·es dans le dos à plusieurs reprises, notamment son dénouement ni fait ni à faire. Je sens un respect beaucoup plus grand ici dans le traitement du personnage d’Astrid.

Cerise sur le gâteau, l’aspect alambiqué des énigmes est très plaisant et bien mené, les résolutions sont généralement à la hauteur des attentes suscitées, ce qui pousse à enchaîner très vite les épisodes. Même si, en fin de compte, c’est pour la justesse de cette relation d’amitié que j’y reviens. Un véritable échange, un lien très fort sont possibles entre neurotypiques et neuroatypiques, qui peuvent apprendre beaucoup les uns des autres, voilà ce qu’Aspergirl échouait à montrer et qui est traité d’une très belle façon ici.

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“The Haunting of Bly Manor”

(Cet article est initialement paru sur Le Cargo. Pour ceux que le sujet intéresserait, l’ensemble de mes chroniques pour le webzine est accessible ici.)

En 2018, The Haunting of Hill House avait fait forte impression chez les amateurs de fantastique. Par sa beauté formelle et la qualité de sa réalisation, par le soin apporté à l’aspect horrifique comme à ses répercussions psychologiques sur les personnages, mais aussi par son parti pris d’adaptation très personnel. Du roman Maison hantée de Shirley Jackson, il ne gardait que le titre original, le décor impressionnant de Hill House, demeure labyrinthique pas tant hantée que corrompue, et quelques éléments épars comme le nom des personnages. La série racontait une tout autre histoire, celle d’une famille dysfonctionnelle marquée par un traumatisme collectif impossible à dépasser.

Deux tours d’écrou

L’intrigue étant close au terme de cette magnifique saison, on avait accueilli avec méfiance l’annonce d’une suite, jusqu’à ce qu’il soit dévoilé qu’elle adapterait un autre classique du récit de fantômes : Le Tour d’écrou de Henry James. L’idée d’une série anthologique inspirée chaque fois par un classique différent avait de quoi séduire ; on attendit donc The Haunting of Bly Manor avec une double impatience, dans l’espoir d’y retrouver l’éblouissement de la première fois, mais aussi dans la curiosité de découvrir comment le réalisateur Mike Flanagan allait tordre cette fois le matériau d’origine. Dès l’ouverture, cette deuxième saison semble pourtant revendiquer une fidélité plus grande, plus proche de la transposition modernisée. Une femme à l’air usé (Carla Gugino) raconte aux convives d’un mariage une histoire de fantômes, et prononce la fameuse phrase qui donne son titre au texte de Henry James, laquelle postule que si la présence d’un enfant renforce l’impact de ce genre de récit, celle de deux enfants fournit un « tour d’écrou » supplémentaire. Le début de la série épouse les grandes lignes du texte : Danielle (Victoria Pedretti), jeune fille au pair américaine, s’y voit embauchée pour s’occuper de deux orphelins, Miles et Flora, dans une vieille maison de la campagne anglaise. Des signes inquiétants se multiplient bientôt : Flora a des jeux troublants, Miles le tempérament changeant, la bâtisse cache des secrets, et Flora semble marquée par la mort de la jeune fille au pair précédente, qu’elle a trouvée noyée dans le lac de la propriété.

Dès lors, le suspense est double pour qui connaît Le Tour d’écrou. À la question de savoir ce qui s’est passé exactement dans la demeure et qui sont ces fantômes, réels ou métaphoriques, qui hantent plusieurs des personnages, s’ajoute celle de découvrir quand et de quelle manière l’intrigue déviera du texte d’origine. En douceur dans un premier temps, par le développement de l’histoire individuelle de chaque protagoniste ; on retrouve la construction chorale qui faisait la richesse de The Haunting of Hill House, chaque épisode adoptant le point de vue d’un personnage différent. De ces intrigues parallèles en naîtra progressivement une nouvelle – une hantise derrière la hantise. Plus le récit avance et plus l’on retrouve les thèmes explorés dans la première saison, les propres obsessions de Mike Flanagan davantage que celles des auteurs qu’il adapte ; on est soudain frappé par la récurrence chez lui des motifs du traumatisme, de la résilience ou du déni, jusque dans le choix des romans de Stephen King qu’il a portés à l’écran (dont un Jessie magistral). Ici, les fantômes se nomment deuil, amour toxique, remords ou trahison.

Poésie gothique

Comme dans la saison précédente, l’écriture est admirable de précision, avec une attention portée aux moindres détails, parfois semés longtemps avant qu’on ne comprenne leur importance ; chaque flashback consacré à l’histoire d’un personnage vient éclairer différemment une scène qu’on avait crue plus anodine. Les éléments s’emboîtent un par un avec une grande habileté pour former un tableau plus complexe qu’il n’y paraissait au départ. Le soin apporté à l’esthétique des éléments surnaturels renforce le trouble créé par le procédé. Ainsi comprend-on très vite, lors des furtives apparitions du fantôme qui hante Danielle dans les miroirs, qu’il est l’ombre d’un traumatisme qui l’a détruite. Les spectres créent ici le même malaise que ceux de Hill House (rappelez-vous la « dame au cou tordu ») dans ce que leur apparence suggère d’anomalie. Les deux saisons partagent une même beauté formelle, faite de couleurs sombres et d’ombres oppressantes, ainsi qu’une interprétation remarquable. Si le personnage de Danielle peine à convaincre par moments (le décalage culturel induit par ses origines américaines détonne parfois de manière un peu gratuite), la gouvernante Hannah Grose, magnifiquement incarnée par T’Nia Miller, nous a bouleversés dans l’épisode de mi-saison qui lui est consacré. Comme dans The Haunting of Hill House, les enfants sont d’une justesse remarquable, particulièrement Benjamin Evan Ainsworth qui est un Miles impressionnant d’ambiguïté et de détresse silencieuse. La série brosse par ailleurs un portrait très convaincant d’un manipulateur séduisant mais sans envergure, plus inquiétant dans sa banalité que bien des personnages de fiction ouvertement maléfiques. Car des salauds ordinaires comme celui-là, nous en avons tous connu.

Pour autant, la série n’est pas sans défauts ; The Haunting of Hill House, malgré sa quasi-perfection, décevait par une fin totalement ratée, en décalage embarrassant avec ce qui précédait. Quelques scènes, ici encore, s’intègrent mal, de par des choix musicaux douteux ou un aspect plus superficiel, notamment dans l’intrigue de Danielle. Bly Manor bénéficie au moins d’une conclusion satisfaisante, et même assez poignante, encore qu’un peu bancale. On s’étonne d’autant plus de ces fautes de goût ponctuelles que la série se tire habilement de procédés à la limite du cliché, comme la voix off sur laquelle repose une grande partie des deux derniers épisodes, qui pourrait sonner faux mais ne fait que renforcer l’impression d’envoûtement (de l’avant-dernier épisode, nous ne vous dirons rien, sinon qu’il est un splendide exercice de style tout en poésie gothique, que nous vous laissons découvrir).

La force et la finesse

Si l’effet de surprise n’est plus tout à fait le même, The Haunting of Bly Manor se révèle à la hauteur – conséquente – de la première saison. Effrayante et tragique, profondément humaine, en même temps qu’un régal pour le regard. Mike Flanagan s’y dévoile comme un réalisateur qui comprend intimement toute la force et la finesse du genre fantastique, et ces deux saisons comme l’une des plus belles œuvres du genre que nous ayons vues ces dernières années.

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Jessica Jones, saison 2

(Cet article est initialement paru sur Le Cargo.  Pour ceux que le sujet intéresserait, l’ensemble de mes chroniques pour le webzine est accessible ici.)

Lancée en 2015 par Marvel et Netflix, quelques mois après leur superbe Daredevil, la première saison de Jessica Jones témoignait d’une même volonté d’inscrire les histoires de super-héros dans un cadre urbain contemporain et, surtout, résolument réaliste – ce qui peut sembler paradoxal sur le papier mais donne parfois, comme dans ces deux séries, des résultats brillants et passionnants. Le succès de la première saison reposait surtout sur son héroïne, qui incarnait une sorte de pendant féminin au vieux stéréotype du privé esquinté par la vie qui jure, picole et castagne à tout va. Une héroïne marquée par son passé, dotée d’un tempérament explosif et d’une force surhumaine, magnifiquement incarnée par une Krysten Ritter qui crevait immédiatement l’écran. Le succès de la première saison reposait également sur son affrontement avec son ancien bourreau Kilgrave, terrifiante figure d’histrion possédant le pouvoir de contrôler la volonté d’autrui et un caractère d’enfant gâté qui ne supporte pas qu’on lui résiste, rôle profondément malsain dans lequel David Tennant s’en donnait à cœur joie.

Si la série était prenante dès les premiers épisodes, on pouvait lui reprocher parfois une certaine complaisance dans l’étalage d’atrocités commises par Kilgrave. L’ensemble n’avait peut-être pas une tenue aussi irréprochable que la première saison de Daredevil, mais le personnage de Jessica exerçait une fascination tenace, et la saison avait le mérite d’aborder sous un angle glaçant le thème de la violence que certains hommes peuvent infliger aux femmes dès lors qu’elles sont en leur pouvoir. L’orientation résolument féministe de la série créée par Melissa Rosenberg ne fait que se confirmer dans cette nouvelle saison magistrale, qu’il nous sera difficile de vous présenter sans trop en dire. Essayons toutefois.

L’affaire Kilgrave étant bouclée, voilà Jessica amenée à se repencher sur une page trouble de son histoire : sa disparition survenue entre l’accident qui a coûté la vie à son frère et à ses parents, et son réveil à l’hôpital, vivante mais transformée, désormais dotée d’une force surnaturelle. Elle sait avoir servi de cobaye à une expérience ; elle sait quel organisme en est responsable et compte le faire payer. Pour ce faire, il lui faut entrebâiller une porte solidement fermée sur une zone floue de sa mémoire. Bien évidemment, elle ouvrira ce faisant une boîte de Pandore – mais pas celle que l’on pourrait attendre au départ. Personnages devenus super-héros malgré eux, savants fous modernes, expériences illégales… on croit avancer en terrain balisé. Rien n’est plus faux, car cette saison nous emmène très loin de ce qu’elle semble promettre dans ses premiers épisodes, et c’est là que réside sa force. Un élément imprévu apparaît, qui nous est montré assez tôt sans que l’on comprenne ce que l’on vient de voir, et qui prendra toute la place à mi-saison en bouleversant radicalement l’existence de Jessica et les enjeux de l’intrigue.
Démons et tragédie

Loin du feu d’artifice constant de la première saison, celle-ci prend son temps pour disposer les éléments qui serviront de base au récit. La forme est cette fois celle d’une tragédie : les personnages sont en proie à des forces qui les dépassent et, le temps qu’ils comprennent ce qui est en train de leur arriver, il est déjà trop tard. Comme toute tragédie, celle-ci est profondément humaine, et douloureuse pour cette raison même. Outre la finesse de l’écriture, ce qui impressionne le plus ici, c’est la justesse du développement des personnages (qui rappelle parfois, sur ce point, les grandes heures des dernières saisons de Buffy). Tous sont en proie à des démons qu’ils peinent à contenir (addiction, poids du passé, peur de la mort, ambitions contrariées), tous tâtonnent dans le noir sans jamais bien savoir s’ils vont s’entraider ou se détruire. Chacun est trop prisonnier de sa propre histoire pour entrer pleinement dans celle des autres. Ils sont crédibles parce qu’imprévisibles – et, si l’intrigue recourt parfois à des schémas narratifs ultra-connus, elle reste prenante et poignante tout du long, constamment sur le fil, tant le chaos intérieur des protagonistes peut la faire basculer dans un sens ou dans l’autre. On frôle parfois l’exagération dans les rebondissements mais, là encore, les personnages font tout passer, car ce sont ceux qui portent le récit.

Deux actrices en particulier crèvent l’écran dans cette saison. Carrie-Anne Moss reprend le rôle de l’avocate retorse Jeri Hogarth et lui imprime une dimension nouvelle particulièrement émouvante : obsédée depuis toujours par le contrôle et le pouvoir, la voici confrontée pour la première fois à quelque chose qu’elle ne maîtrise pas et qui la terrifie. Et puis, bien sûr, il y a l’interprétation magnifique de Krysten Ritter qui donne à Jessica une force et une profondeur peu communes. Héroïne brisée qui compose comme elle peut avec ce que la vie ne cesse de lui balancer au visage, hantée par des plaies à vif qui refusent de s’apaiser, poussée constamment jusqu’à son point de rupture, et qui se relève toujours mais ne guérit jamais vraiment. Un tel personnage est compliqué à rendre à l’écran sans tomber dans un certain nombre d’écueils : d’un côté l’héroïne badass monolithique à la repartie facile, de l’autre le protagoniste qui subit tellement d’épreuves que le spectateur finit par s’en lasser. Rien de tout ça ici mais un miracle d’équilibre, et sans doute l’une des plus belles héroïnes vues à l’écran depuis longtemps. Il y a quelque chose de fascinant et d’incroyablement juste chez ce personnage de survivante malgré elle, incapable de tourner la page comme de se laisser briser. Krysten Ritter impressionne ici par sa capacité à traduire à l’écran, sans trop en faire, les différents degrés de traumatisme qui s’ajoutent les uns aux autres au fil des événements subis par Jessica. Elle est, pour tout dire, bouleversante.
Une héroïne, une vraie

Cette saison magnifique frappe d’ailleurs par la prédominance des figures féminines : ici, tous les personnages marquants, tous ceux qui font avancer le récit, sont des femmes – il est d’ailleurs amusant que le rôle classique de « l’assistante du privé » soit tenu par un homme qui râle constamment qu’on lui fasse jouer les potiches. Toutes ont par ailleurs le mérite d’éviter la majorité des clichés liés aux rôles féminins, y compris (et ce n’est pas le moindre mérite de la série) le stéréotype de la « femme forte » souvent peu crédible. Jessica est vivante, elle est puissante et vulnérable, elle est tout ce qu’on apprend aux femmes « bien comme il faut » à ne pas être – elle jure, elle boit, elle se bat et ne se laisse pas marcher sur les pieds. Mais elle est aussi une personne complexe et fragile dont la douleur nous touche en plein cœur. Nous savions que nous aurions plaisir à retrouver ce personnage, mais nous n’attendions pas une saison aussi belle, aussi finement écrite et interprétée. En prétendant raconter des histoires de super-héros et de pouvoirs inhumains, elle parle de chacun d’entre nous. Après un début prometteur mais encore un peu bancal, la série de Melissa Rosenberg s’impose ici comme une incontournable, et son héroïne comme une figure réellement inoubliable.

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Les Revenants

Deux mois sans écrire ici : un long tunnel de relectures et de corrections pour boucler à temps la traduction des mille pages de The Way of Kings de Brandon Sanderson. Ce qui ne laissait pas beaucoup de temps pour les découvertes et les enthousiasmes. Traduction finalement rendue avec dix jours d’avance, et l’occasion de s’offrir autant de jours de vacances pour souffler. Qui dit vacances dit temps à consacrer au rattrapage des lectures qui s’accumulent sur la pile et des séries dont on entendait dire le plus grand bien.

C’est le bouche-à-oreille qui a attiré mon attention sur Les Revenants. Comme beaucoup, l’idée d’une série fantastique française m’aurait plutôt incitée à la méfiance. Trop de mauvaises expériences avec les films fantastiques français (jusqu’à Livide récemment), et une confiance toute modérée en ce nos chaînes osent tenter en la matière. J’aurais eu tort de passer à côté. J’ai englouti les huit épisodes de la première saison en deux jours et les thèmes musicaux de Mogwai me tournent encore dans la tête. C’est tout le fantastique que j’aime, subtil et intimiste, doucement onirique par moments, avec des personnages forts et des situations qui sonnent juste. Une mise en scène sobre mais soignée, une belle connaissance des motifs du fantastique, et surtout une vraie personnalité, loin de la tendance de certains cinéastes de genre à courir après leurs modèles. C’est fort et prenant, avec une vague ambiance à la Twin Peaks par moments, la bizarrerie en moins. Pour ceux que le sujet intéresserait, j’ai posté une chronique plus détaillée ici. Une très belle surprise pour terminer l’année.

 

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Veronica Mars, saison 1

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En attendant la nouvelle saison de Game of Thrones et parce que Lost m’avait, si j’ose dire, perdue une nouvelle fois en cours de route vers la fin de la saison 5, il fallait bien se mettre autre chose sous la dent. Une série datant d’il y a déjà quelques années et qu’on m’avait souvent conseillée s’est alors rappelée à mon bon souvenir. Sur le papier, l’histoire d’une adolescente dont le père est détective privé et qui mène des enquêtes dans son lycée n’est pas forcément très engageante, mais la série est beaucoup plus intelligente et habile qu’elle n’en a l’air au premier abord. Par beaucoup d’aspects, elle m’a rappelé Buffy, sans atteindre toutefois la richesse de la série de Joss Whedon. L’aspect physique et la voix de l’héroïne y sont peut-être pour beaucoup.

 

Passé les premiers épisodes où on se perd un peu dans les différents protagonistes, la série dévoile progressivement son jeu. Les personnages, justement, sont presque tous très réussis. Il y a une belle galerie de personnages secondaires, parfois assez ambigus. Keith Mars, le père de Veronica, qui se débrouille comme il peut avec sa fille adolescente depuis le départ de sa femme ; Weevil, délinquant latino plein de ressources ; Aaron Echolls, star du cinéma égocentrique et insupportable ; la richissime famille Kane dont l’histoire est étroitement liée à celle de la famille Mars ; ou encore Mac, petite génie de l’informatique, personnage très secondaire même si un très bel épisode lui est consacré, incarnée par Tina Majorino que certains se rappelleront peut-être comme enfant actrice dans les années 90.

 

Deux personnages m’ont semblé un peu moins réussis, et c’est mon seul reproche à l’encontre de cette saison 1. Veronica elle-même est un personnage parfois bancal. Parce que le côté « héroïne volontaire qui agit au lieu de broyer du noir » est un peu forcé, ce qui empêche d’éprouver la moindre empathie pour elle. Or, dans les derniers épisodes de la saison qui reviennent sur une mésaventure assez glauque qu’elle a subie, il aurait justement fallu qu’on en éprouve. Par ailleurs, j’ai du mal à la voir comme la paria qu’on nous décrit, détestée par les trois quarts des lycéens et qui redoute chaque jour de se rendre au lycée : à part quelques épisodes où elle s’en prend effectivement plein la figure, on nous montre en fait une gamine bien dans sa peau et beaucoup mieux intégrée que la plupart des ados auxquels elle vient en aide. L’autre personnage qui me gêne, c’est Lilly Kane, sa meilleure amie, qui a été assassinée lorsque débute la série. C’est d’ailleurs autour d’elle que tourne l’intrigue principale de la saison 1. La famille Mars comme la famille Kane ont été détruites par le drame. Keith Mars, persuadé qu’on a arrêté le mauvais homme, a vu sa carrière détruite ; sa femme est partie peu de temps après, et Veronica elle-même est tombée en disgrâce au lycée. Lilly apparaît dans de nombreux flash-backs au cours desquels on veut nous faire sentir un lien très fort l’unissant à Veronica. Or, on nous montre surtout une ado un peu vulgaire qui n’est pas très différente de toutes les petites garces du lycée que Veronica déteste. C’est pour moi le défaut principal de la saison 1.

 

En revanche, l’intrigue tournant autour du meurtre de Lilly est particulièrement habile et réussie, jusqu’à un dénouement qui m’a fait bondir plusieurs fois. Je suis toujours admirative devant les œuvres de fiction qui réussissent à faire passer pour des digressions des éléments qui se révèleront plus tard essentiels à l’intrigue. C’est souvent le cas ici, et ça fonctionne à la perfection. Sans compter que la résolution elle-même est réellement surprenante et satisfaisante.

 

J’ai beaucoup apprécié également l’aspect social développé en filigrane. L’histoire se déroule à Neptune, en Californie, où vivent des familles richissimes. Beaucoup d’épisodes tournent autour de la notion de lutte des classes : il y a d’un côté les vieilles familles de Neptune, qui s’accrochent à leurs privilèges établis jusque dans le fonctionnement du lycée, et de l’autre des familles beaucoup plus modestes qui survivent comme elles le peuvent dans ce système et qui cherchent parfois à prendre leur revanche. C’est le moteur d’un certain nombre d’affaires sur lesquelles enquête Veronica. Il y a quelque chose de très américain, d’ailleurs, dans la façon dont la série présente le lycée comme une micro-société impitoyable régie par des rites immuables et qui devient le théâtre de rivalités cruelles.

 

La saison 1 se dévore en un clin d’œil, et on garde en tête toute la journée la chanson des Dandy Warhols qui lui sert de générique.

 

 

 

 

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