Blog : catégorie Musique

Une playlist pour “L’Année suspendue”

Le premier article paru récemment sur mon nouveau livre L’Année suspendue, une interview réalisée pour le site lecteurs.com, mentionnait l’importance des références à la culture pop dans le texte, qui sont effectivement assez nombreuses. Ce qui m’a donné envie de créer une playlist reprenant les morceaux et artistes cités dans le texte ainsi des extraits de la B.O. de films, séries ou jeux qui y apparaissent. L’ensemble forme un patchwork où chaque morceau représente à mes yeux un petit bout du texte, un aspect particulier de la narration. Un petit bonus que je partage avec vous aujourd’hui en espérant qu’il vous plaira.

La playlist est également disponible sur YouTube.

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Playlist “Halloween et autres hantises”

Je nourris depuis l’enfance une vraie fascination pour l’imagerie entourant Halloween, au point de collectionner les bougeoirs, emporte-pièces et autres gadgets à base de fantômes et de citrouilles. Je me suis donc amusée cette année à concocter une playlist spéciale, destinée à moi seule au départ, et que j’ai eu envie ensuite de partager avec vous. Elle a commencé comme une sélection classique autour de Halloween avant de partir un peu ailleurs, mais toujours plus ou moins en lien avec les fantômes, sorcières, vampires ou les ambiances fantastiques ou sinistres en général. Vous y croiserez aussi bien des B.O. de films d’horreur (Halloween bien sûr, Suspiria), de séries (Buffy contre les vampires) ou jeux vidéo (Silent Hill) que des artistes comme Higelin ou Juliette, Nick Cave ou Kate Bush, Siouxsie ou Bauhaus. J’espère qu’elle vous divertira. Portez-vous aussi bien qu’il est possible dans cette période étrange et difficile.

 

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Playlist spéciale #ScèneFrançaise

Comme beaucoup de domaines, celui de la musique a été fortement touché par la crise sanitaire en cours, et la fermeture prolongée des salles de concerts notamment est un véritable coup dur pour les artistes, à la fois parce qu’une grande partie de leurs revenus en dépend, mais aussi parce que l’obtention des heures nécessaires pour renouveler leur intermittence s’en retrouve compliquée. La Sacem a récemment lancé une initiative détaillée ici destinée à soutenir la scène française, et encourage notamment les auditeurs à mettre en avant leurs coups de coeur avec le hashtag #ScèneFrançaise. Après avoir vu passer un certain nombre de playlists assorties de ce hashtag, j’ai eu envie de créer la mienne à mon tour.

Tous ceux qui ont parlé musique avec moi savent à quel point je suis attachée à la scène française et en particulier à la scène indépendante parisienne que je fréquente depuis maintenant huit ans et à laquelle j’ai consacré beaucoup d’articles sur le webzine Le Cargo! C’est une scène très riche par sa qualité et sa diversité, pas toujours mise en avant par les médias comme elle le mériterait, et où j’ai fait énormément de rencontres et de découvertes marquantes.

J’ai inclus dans cette playlist quelques pointures que j’écoute depuis longtemps (Juliette ou Dominique A) autant que des artistes découverts sur la scène indé ces dernières années. Certains dont je suis le travail de très près (Katel, Robi, La Féline, Lidwine, Maud Lübeck ou encore Arlt), d’autres que je connais un peu moins mais qui m’ont séduite par un album en particulier (comme le splendide Luxe de Stranded Horse), ou par un morceau (comme “Sur un volcan” de La Maison Tellier que j’aime énormément). Je les ai tous vus (et beaucoup appréciés) sur scène au moins une fois, beaucoup plus pour certains.

L’ensemble de la liste forme un bon panorama de tout ce qui m’a enchantée en musique française ces dernières années. J’espère qu’elle vous plaira et vous fera faire quelques découvertes. N’hésitez pas à vous plonger dans la discographie de tous ces artistes, à les soutenir financièrement en achetant leurs albums, à retourner les voir sur scène quand ce sera de nouveau possible. Tous le méritent infiniment.

 

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“J’ai rêvé du futur” (pour La Féline)

Blade Runner

En juin dernier, j’étais conviée par Agnès Gayraud alias La Féline à participer à une création à la Maison de la Poésie autour de son album à venir, Vie future, qui mêle plusieurs thématiques : le futur anxiogène que nous voyons se dessiner, le deuil d’un proche et l’attente d’un enfant à naître, qui ont coïncidé dans le temps et se sont répondu en écho.

J’avais écrit pour cette création un court texte intitulé « J’ai rêvé du futur », destiné à être lu entre deux chansons. Il s’inspirait de trois morceaux de l’album en particulier : le single « Palmiers sauvages » qui évoque l’année 2034, « La Terre entière » qui dépeint le cauchemar d’un monde surpeuplé, et « Fusée » qui parle du vertige de filer dans l’immensité de l’espace.

Suite au concert, nous avions convenu avec Agnès que je publierais ce texte sur mon blog après la sortie de Vie future, de sorte que les gens puissent, s’ils le souhaitent, le lire en lien avec les chansons qui l’ont inspiré. Le voici donc. Vous pouvez lire sur Le Cargo ! tout le bien que je pense de ce magnifique album paru il y a quelques jours.

 

J’ai rêvé du futur

Quand j’avais quinze ans, je rêvais du futur. De cités tentaculaires et de tours gigantesques, de véhicules volants qui fendaient la nuit, de lumières électriques qui la perçaient comme des milliers de flammes. J’ai usé mes BD et mes cassettes vidéo à fantasmer devant ces mégalopoles aux recoins mystérieux, aux pyramides élégantes et aux écrans géants. Je connaissais par cœur ces histoires de privés taciturnes, d’androïdes rêvant de moutons électriques au son envoûtant des synthétiseurs. C’était étrange, c’était nouveau, c’était l’avenir et l’aventure. Toute la poésie du néon, du chrome et de l’acier, de merveilles promises à nous attendre, si loin de l’ennui et de la grisaille de nos mornes petites villes. Cette vie-là serait tellement plus grande, plus exaltante. Le monde serait à nous et il serait moderne, il serait neuf, transformé au-delà de notre imagination.

Quand j’avais quinze ans, nous avions un futur et il était immense. Des millénaires encore, des vies toujours plus longues, toujours plus loin : la science aurait réponse à tout, elle nous emmènerait conquérir d’innombrables planètes et rencontrer d’autres espèces. Jour après jour, l’avenir grandissait sous nos yeux. On vivrait deux cents ans, on serait immortels et la Terre avec nous.

Je me demande à quoi rêvent les gamins d’aujourd’hui, ceux dont l’avenir a rétréci. Est-ce qu’ils rêvent de prairies et de steppes enneigées, de champs à perte de vue, de plages et de forêts, de récifs de corail ? Moi, je n’en rêvais pas : ils étaient déjà là. À quoi bon en rêver ? Ils seraient toujours là.

Je rêvais d’un futur, et il est advenu. Sournoisement, il a glissé vers nous. Il était trop tard quand nous avons compris.

Aujourd’hui, j’ai quatre fois quinze ans et j’habite aux Enfers. Les cités sont immenses, les tours surpeuplées, les nuits surchauffées où l’on cherche en vain le sommeil dans le bruit incessant. J’ai fait mon deuil de l’herbe, du silence et des étoiles, de l’aventure et du voyage. Les murs de cette cité sont mon seul horizon. Les voitures ne volent toujours pas et le salut d’autres planètes nous est inaccessible.

Mais parfois le soir, à la fenêtre de ma tour, je regarde les lueurs des millions d’existences, l’éclat des néons qui peint la nuit de couleurs douces et dessine les contours de la ville, et une part de moi s’en émerveille encore. J’entends à mes oreilles le timbre des synthétiseurs d’hier qui me promettaient tant d’histoires. Alors je ferme les yeux, je m’ouvre à leur chant des sirènes et je me souviens du futur.

(Photo extraite de Blade Runner, mais vous l’aviez sans doute reconnue.)

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“Girls Rock” (Sophie Rosemont)

(Cet article est initialement paru sur Le Cargo. Pour ceux que le sujet intéresserait, l’ensemble de mes chroniques pour le webzine est accessible ici.)

On s’en voudrait presque d’émettre quelques réserves sur cet ouvrage tant il s’agit d’un projet auquel on aimerait adhérer pleinement, et d’une initiative qu’on ne peut que saluer : remettre les femmes à leur juste place dans l’histoire du rock, trop souvent écrite par et à travers les hommes. Intention salutaire et nécessaire, aujourd’hui plus que jamais : en 2019, on entend encore beaucoup trop d’artistes évoquer les difficultés qu’elles rencontrent pour exister autrement que dans l’ombre des hommes, pour être reconnues comme créatrices à part entière plutôt que muses ou « chanteuses du groupe » ne connaissant rien aux aspects techniques, matériels ou financiers, et on sait combien les femmes restent minoritaires parmi les producteurs, directeurs de label – ou chroniqueurs musicaux, comme Sophie Rosemont, journaliste pour Rolling Stone, Paris Match ou Les Inrocks, le fait remarquer elle-même dans les remerciements de son ouvrage.

Les femmes à leur juste place

On s’en voudrait presque, donc, d’avouer que Girls Rock nous a à la fois enthousiasmés et pas totalement convaincus, nous laissant sur une double impression difficile à démêler. L’ouvrage a d’indéniables qualités, mais quelques points nous auront fait tiquer. Commençons par évoquer le positif : il se dégage de cette lecture une impression de grande générosité et une indéniable envie de partage et de transmission. De toute évidence, Sophie Rosemont se passionne pour le sujet, elle aime profondément les artistes qu’elle évoque, et cette admiration transpire de toutes les pages. Les musiciennes évoquées sont nombreuses et très variées, que ce soit en termes d’époque, de style musical ou de place généralement reconnue dans l’histoire du rock. On navigue à travers le temps, des pionnières Sister Rosetta Tharpe ou Bessie Smith à des artistes actuelles comme Angel Olsen ou Anna Calvi ; on revisite l’histoire des légendes Janis Joplin, Siouxsie Sioux, Nina Hagen ou Joni Mitchell comme on (re)découvre des parcours moins connus (Gladys Bentley ou Valérie Lagrange) ; la scène francophone n’est pas oubliée avec des pointures aussi diverses que Catherine Ringer, La Grande Sophie, Catherine Ribeiro ou Edith Fambuena.

En guise d’intermèdes, Girls Rocks invite de jeunes musiciennes actuelles à parler d’artistes qui les ont marquées, à travers des témoignages toujours touchants : Jeanne Added évoque l’écoute de Hole avant l’écriture de son premier album, là où Lou Doillon raconte une rencontre émue avec Patti Smith. Girls Rock fait le choix d’une construction thématique plutôt que chronologique, abordant le sujet sous plusieurs axes : les cavalières en solitaire (Kate Bush, Dolly Parton, PJ Harvey), les femmes fatales (Nico, Grace Slick, Stevie Nicks), les engagées (Joan Baez, Tori Amos, Liz Phair), celles qui se battent pour des questions d’identité de genre (Anohni, Beth Ditto, k.d. lang), ou encore celles au destin tragique (Amy Winehouse, Mama Cass, Dolores O’Riordan). Construction qui rend la lecture dynamique et vivante mais parfois un peu brouillonne lorsque les portraits, trop courts, s’enchaînent un peu vite. On éprouve parfois la frustration de ne pas s’attarder plus longuement sur certains de ces parcours, mais c’est la limite inévitable de l’exercice. Le livre replace chaque carrière dans son contexte plus global, dessinant en filigrane les évolutions sociétales – depuis l’évocation de la révolution des riot grrrls à Debbie Harry expliquant qu’à l’époque de son succès, Patti Smith et elle étaient les deux seules femmes du rock.

Intentions et interprétations

Venons-en maintenant à ce qui nous a gênés, en insistant sur le côté subjectif de cette réaction. Peut-être attendions-nous un ouvrage plus proche d’une encyclopédie de référence, davantage tendu vers une quête d’objectivité, mais il nous a semblé parfois que certains points de vues, certaines affirmations étaient sujets à caution, que ce soit dans l’interprétation des paroles, les suppositions quant au thème d’un album ou, de manière plus générale, l’explication donnée à la démarche de certaines artistes, parfois contredite par des interviews que nous avons pu lire ailleurs. Ainsi, on peut se demander si l’intention de Courtney Love, lorsqu’elle écrit « Violet », est réellement, comme on l’affirme ici, d’ordonner aux femmes d’apprendre à dire non – « Violet » ressemble plutôt à l’exorcisme d’une expérience personnelle qu’à un message adressé aux autres femmes (il est généralement supposé qu’il s’agit d’une chanson de rupture, ce que Courtney Love elle-même semble avoir déjà confirmé). À plusieurs reprises, il nous a semblé que les faits étaient légèrement tordus dans le but de coller à un discours pas forcément conforme à la réalité.

Par ailleurs, on avouera, en lisant les fiches consacrées à nos artistes préférées, ne pas les avoir nécessairement reconnues dans le portrait qui en était brossé. Les parties consacrées à PJ Harvey, dont votre matelote est une grande fan de longue date, nous ont notamment posé problème à plusieurs titres. D’une part, on peut s’étonner de la voir présentée comme une militante féministe acharnée dès ses débuts, quand on se rappelle au contraire qu’elle refusait farouchement l’étiquette à l’époque de Dry et Rid of Me, affirmant que le mouvement ne la concernait pas et ne l’intéressait pas. On peut effectivement choisir d’entendre ses premiers albums sous un angle féministe, tout comme on peut davantage y entendre l’expression intime d’un profond trouble existentiel – mais au final, chacun de ces points de vue n’est que spéculation. Il peut être tentant de voir en PJ Harvey une figure féministe importante, de par le modèle qu’elle a imposé et l’expression unique de la sexualité dans sa musique, mais en réalité, son rapport à ces questions-là était beaucoup plus trouble à ses débuts, ce qu’il aurait été plus honnête de préciser (contrairement à son engagement politique de ces dernières années qui, lui, est clairement revendiqué et que le livre mentionne très justement).

Portraits et subjectivité

Il nous a semblé par ailleurs relever quelques erreurs factuelles ou affirmations sorties de nulle part. L’ouvrage présente ainsi comme un fait avéré une relation avec Vincent Gallo qui n’a jamais été qu’une rumeur, et décrit Is this Desire ? comme le récit de la relation de l’artiste avec Nick Cave. Or, non seulement PJ Harvey ne s’est jamais exprimée dans ce sens, mais cette affirmation semble contredite par la matière même de l’album, qui se présente comme une suite d’histoires consacrées à des personnages féminins fictifs, toujours désignées par leur prénom. Quitte à spéculer, on peut éventuellement y deviner la figure de Sainte Catherine ou des références littéraires (« Joy » est souvent considérée comme inspirée par une nouvelle de Flannery O’Connor), mais on voit mal où pourrait bien être la place de Nick Cave dans tout ça.

Pour parler d’une autre artiste que nous admirons depuis longtemps, si l’on se réjouit de voir inclure Suzanne Vega souvent oubliée à tort dans ce genre de panoramas, on s’étonne de la voir réduite à une dimension solitaire qui n’est pas forcément le trait le plus saillant du personnage ni de sa carrière – et quitte à insister ailleurs sur la dimension féministe présente chez beaucoup d’artistes, le sujet aurait pu être creusé ici (on se rappelle notamment « I’ll Never Be Your Maggie Mae », réponse ironique à la dimension sexiste de la chanson de Rod Stewart, ou « Edith Wharton’s Figurines » sur la peur mortifère du vieillissement). Le choix d’un classement thématique oblige fatalement à mettre l’accent sur certains traits plutôt que d’autres, mais on en ressort avec l’impression que les portraits ne sont pas toujours très représentatifs, au point qu’on se demande ensuite en cours de lecture à quelles affirmations on peut se fier ou non pour les artistes dont on connaît moins bien le travail.

Déclaration d’amour

Ce genre de réaction est sans doute inévitable avec un tel ouvrage, qu’on aborde forcément avec sa propre subjectivité, son propre rapport au sujet, sa propre histoire intime avec les albums évoqués. Les quelques erreurs relevées nous ont surpris dans le sens où Sophie Rosemont semble très bien connaître la carrière des artistes évoquées, et en a d’ailleurs interviewé un certain nombre, mais on peut ne pas partager ses interprétations quant à leurs intentions. Reste qu’au final, il s’agit d’un ouvrage passionnant qu’on dévore d’une traite et qui donne de furieuses envies d’écoute – on se surprend ensuite à farfouiller dans la discographie des artistes qu’on connaît moins (votre matelote a passé hier quelques heures à creuser avec bonheur du côté de Sleater-Kinney, Joan Jett et Suzi Quatro). On ne peut au final que saluer la démarche militante, malheureusement toujours nécessaire, qui a donné naissance à cet ouvrage et, à condition de garder un certain recul face aux faits énoncés, on prend un grand plaisir à s’immerger dans cette lecture et à suivre les pistes qu’elle nous ouvre. Girls Rock est avant tout une sincère déclaration d’amour aux femmes qui ont fait l’histoire du rock, et un livre où transparaît un enthousiasme terriblement contagieux.

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