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Des contes, des chansons, des images

Autant vous le dire tout de suite, cette entrée sera longue. Il y aura la partie « signatures et salons » au début (sans autoportrait, comme je n’ai pas logé à l’hôtel) et la partie musicale à la fin, avec des images et des extraits sonores.

 

Ce samedi, c’était donc le jour de la signature/lecture/spectacle avec Claude Mamier à la librairie « Au comptoir des rêves » de Reims. Claudio, je le connais depuis quelques années – on a publié nos premiers textes à peu près en même temps, à l’époque de la revue Ténèbres et de l’Oxymore et on s’est pas mal croisés à l’époque, comme il habitait Paris. Il a publié un premier recueil chez l’Oxymore (Récits des coins d’ombre) avant de partir trois ans faire le tour du monde, il est rentré en France depuis deux ans, habite désormais Albi, a publié un deuxième recueil (Les contes du vagabond) chez Malpertuis et donne régulièrement des spectacles de contes. Julien Ferré, le libraire, est un de ses amis que j’avais déjà croisé plusieurs fois et qui parlait depuis un moment d’organiser cette journée.

 

À ceux qui habitent Reims ou passent dans le coin, je conseille vivement d’aller faire un tour « Au comptoir des rêves » (6 rue du Barbâtre). Comme toute librairie spécialisée tenue par un passionné, c’est un endroit accueillant, qui l’est rendu encore plus par le décor. J’ai déjà vu des librairies qui faisaient également salon de thé, mais c’est la première fois que j’en vois une qui ait un véritable coin salon, avec des fauteuils très confortables. Quelques images pour vous donner une idée de l’ambiance.






L’après-midi commençait par une lecture d’extraits de nouvelles, suivi d’une dédicace. Le public n’a pas été très nombreux, mais c’étaient des passionnés, donc les discussions qui ont suivi les lectures ont été très chouettes. Il y avait d’ailleurs dans le public Simon Sanahujas, auteur lui aussi, qui sera en dédicace Au comptoir des rêves le 8 novembre. On s’était réparti les lectures entre Claudio, Julien et moi. Claudio a lu notamment la première partie de sa nouvelle « Musique des morts » qui m’avait pas mal marquée à l’époque de sa parution, et dont la mise en place du décor et de l’ambiance est assez frappante. Julien a lu en entier ma nouvelle « Les cinq soirs du lion ». Je pensais que le texte serait un peu confus à l’oral mais le résultat passait vraiment très bien. J’avais choisi pour ma part de lire deux extraits. J’ai adoré lire un passage tiré de « Mémoire des herbes aromatiques » : j’avais l’impression de me laisser gagner par la colère et le mépris qui sont ceux de Circé lorsqu’elle raconte à Ulysse sa version des faits, et c’était assez grisant. J’ai eu un peu plus de mal avec l’extrait de « La cité travestie », même si c’était agréable à lire.

 

Après la dédicace, Claudio a présenté un spectacle de contes adapté des écrits de Neil Gaiman : plusieurs extraits de Miroirs et fumées et de Sandman. Je l’avais déjà vu réciter des contes il y a quelques années mais j’ai été assez impressionnée samedi. Il a gagné en expérience, en assurance, il maîtrise vraiment l’espace, les mouvements, les intonations et il sait captiver l’attention du public. J’adore sa version de « Dream of a thousand cats » (extrait de Sandman) et aussi d’une nouvelle dont le titre français m’échappe mais qui s’appelait « We can make it for you wholesale » (l’histoire d’un type qui engage un exterminateur pour se débarrasser d’un gêneur, et à qui on propose des prix de gros s’il choisit plusieurs victimes).



Je crois que tout le monde, côté public, côté libraire et côté auteurs, était très content de cette après-midi. J’ai vraiment apprécié cette formule un peu particulière mélangeant contes, signatures et lectures, et il faut dire que le cadre s’y prêtait vraiment bien. Le retour a été très chouette aussi, j’ai continué à dévorer Mystic river dans le train, il y avait un rayon de soleil, j’étais un peu endormie mais contente. Une sorte de monstrueux coup de barre m’est tombé dessus au retour, mais j’ai eu quelques heures pour me poser avant de ressortir pour un concert qui a eu le bon goût de commencer à 18h30. Deux heures plus tard, j’étais rentrée chez moi, ce que j’ai particulièrement apprécié pour le coup.

 

L’an dernier, j’ai déjà consacré une entrée de blog à Suzanne Vega sur MySpace, donc veuillez m’excuser par avance si je me répète. J’ai constaté un phénomène curieux qui est que parmi les gens qui ont des goûts musicaux similaires aux miens, très peu écoutent Suzanne Vega, pour ne pas dire personne. C’est simple, je ne croise jamais de gens que je connaisse à ses concerts, ce qui est quand même inhabituel. Pourtant, ses albums ne sont pas très différents de ce que font pas mal d’artistes folk considérés comme nettement plus tendance. Je crois qu’il y a un énorme malentendu autour de sa musique. Pour certaines personnes, c’est juste une chanteuse folk un peu gnan-gnan qui ne mérite sans doute pas qu’on s’arrête sur ses albums ; pour d’autres, une chanteuse qui a fait deux tubes un peu par accident dans les années 80 avant de disparaître de la circulation (alors qu’elle sort régulièrement des albums, mais beaucoup ont cette impression). Vous avez tous déjà entendu au moins Luka et/ou le remix qui avait été fait à l’époque de Tom’s diner (morceau qui est a cappella à l’origine), et je me rappelle que Solitude standing passait pas mal à la radio quand j’étais ado. Ce qui me fait rire (jaune), c’est de songer au nombre de personnes qui ont retenu les deux premières phrases de Luka (« My name is Luka/I live on the second floor ») et qui n’ont pas la moindre idée de ce dont parle la chanson – le Luka en question est un enfant battu. Le texte est terrible, justement parce qu’il est extrêmement simple et pudique. Il y a deux passages que je trouve très forts en particulier : « Yes I think I’m ok/Walked into a door again/If you ask, that’s what I’ll say/It’s not your business anyway » et plus loin « They only hit until you cry/After that, you don’t ask why/You just don’t argue anymore ». Les arrangements ont mal vieilli, comme une grande partie du magnifique album Solitude standing, la chanson est lassante quand on l’a trop entendue, mais j’admire vraiment la force de ce texte qui n’a l’air de rien si on l’écoute distraitement.

 

Pour tout vous dire, il y assez peu d’artistes dont j’ai passé des heures à décortiquer les textes parce qu’ils me fascinaient indépendamment de la mélodie. Il y a bien évidemment Nick Cave, Paddy MacAloon de Prefab Sprout il y a déjà un certain temps, Joni Mitchell pour une poignée de chansons, tout récemment Amanda Palmer, et avant tous ces gens-là, Suzanne Vega. Je l’admire beaucoup comme musicienne, mais peut-être encore plus comme écrivain. L’an dernier, je me suis de nouveau penchée sur ses paroles après la sortie de l’album Beauty and crime, qui dit de très belles choses sur le vieillissement, le deuil, le temps qui passe, un album écrit par une femme qui voit approcher la cinquantaine et qui a connu son lot de deuils et de déceptions amoureuses. C’est là que je me suis rendu compte que ses textes me parlaient différemment selon l’âge auquel je les écoute. Je suis de plus en plus touchée par une chanson comme Gypsy qui parle d’un Anglais qu’elle a connu dans sa jeunesse et qui a été son amant, alors que je ne l’appréciais pas plus que ça vers 15/20 ans.

 

Étant d’humeur un peu larme à l’œil ce dimanche, pour des raisons qui tiennent essentiellement à un début de crève et au manque de sommeil, je savais que ses chansons feraient vibrer certaines cordes encore plus fort que d’habitude. Comprenez : je m’attendais à me mettre à chialer en plein concert, comme ça me l’avait fait l’an dernier en entendant Gypsy. Ça n’a pas raté. Non pas une fois, deux fois, mais trois fois. Il faut dire qu’elle jouait ce soir en acoustique, en duo avec un bassiste, ce qui donne un impact particulier à sa musique – j’apprécie toujours un peu moins quand elle joue en groupe, ça donne des sets assez carrés et moins surprenants, et sa voix et ses mélodies sont moins mises en avant. Donc, première grosse bouffée d’émotion quand elle a joué non pas Gypsy cette fois, mais sa chanson jumelle, In Liverpool, qui parle du même homme. C’est peut-être ma chanson préférée de son répertoire, et comme cette version dépouillée était vraiment très belle, ça a fait remonter pas mal de trucs et ça m’a vraiment prise à la gorge.

 Un peu plus tard, Rosemary vers la fin du concert. Et là, re-boum. Je précise qu’étant une madeleine par nature, il m’arrive de temps en temps d’avoir la larme à l’œil en concert, mais ce sont plus rarement les grandes eaux comme ce soir. Rosemary, c’est une inédite peu connue, assez classique et qui n’apporte sans doute rien de neuf par rapport à ce qu’elle a fait avant, mais je trouve qu’il se passe quelque chose de magique dans le refrain. J’aime particulièrement cette phrase très imagée : « I had come to meet you/With a question in my footstep ». C’est la chanson que j’espère entendre chaque fois que je la vois en concert, et j’y ai droit une fois sur deux. Et au rappel, Anniversary. Une chanson en demi-teinte que je trouve très émouvante, qui évoque les fantômes qui peuplent les rues de New York et en filigrane le souvenir du 11 septembre. Et re-re-boum. Elle m’a prise aux tripes encore plus que d’habitude. Je devais être d’humeur à ça.

 

Pour le reste, la setlist était quasi parfaite. Pas mal de mes préférées en live (en plus des trois morceaux que je viens de citer : Caramel, Gypsy, Calypso, World before Columbus qui me fait toujours penser à ma frangine qui apprenait à la jouer à la guitare quand on habitait chez nos parents). Un seul morceau que je n’aime vraiment pas (Frank & Ava). Quelques versions vraiment surprenantes, comme chaque fois qu’elle joue en acoustique : là, c’étaient les deux morceaux les plus énergiques du concert, When heroes go down et surtout Tombstone dans des versions franchement excellentes. Un effet très curieux à la fin de Tom’s diner, chanté a cappella : lorsqu’elle marque une pause juste après « As I’m listening to the bells of the cathedral », le dernier mot a résonné comme si on se trouvait réellement dans une cathédrale. Je ne sais pas si l’effet était voulu mais ça a bien fait rire la salle.

 

Je commence à l’avoir pas mal vue depuis la tournée de Nine objects of desire en 1997. Je connais son numéro par cœur, les histoires qu’elle raconte entre les morceaux, je sais plus ou moins à quoi m’attendre mais il y a toujours des moments qui me surprennent. Il se passe toujours, à un moment ou un autre, quelque chose de vraiment poignant. Le fait que j’écoute sa musique depuis l’âge de quinze ans, surtout l’album Solitude standing, doit accentuer l’effet. Mais décidément, j’adore cette voix, ce sens de la mélodie qui touche à l’évidence, l’univers qui se dessine dans ses paroles. Je suis entrée dans la salle de concert totalement naze, un peu grincheuse parce que j’étais moins bien placée que d’habitude, avec l’envie de m’affaler contre la scène pour m’endormir sur place, et puis elle est arrivée, elle a joué les premières notes de Marlene on the wall et soudain j’étais vachement contente d’être là.

 

Pour ceux qui voudraient mettre des sons sur les titres cités dans cette entrée, plusieurs sont en écoute ici, puisque Deezer est mon nouvel ami.

 

PS : J’ai bien conscience que je passe mon temps à râler que je suis naze en ce moment, mais là, tout de suite, j’ai l’impression d’avoir le double de mon âge. L’avantage, c’est que demain au réveil, j’aurai rajeuni de 31 ans. J’attends ma grasse matinée de dimanche prochain avec une impatience, je ne vous dis que ça.

 

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