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Calexico, dix ans plus tard

 

Putain, dix ans. C’est l’idée qui m’a traversée en arrivant hier devant la scène de la Cigale pour y revoir Calexico (pour la dixième ou douzième fois depuis 1998). À l’époque, c’était déjà à la Cigale que j’étais venue les voir au festival des Inrockuptibles. J’avais acheté ma place exprès pour ce groupe, étant totalement accro à l’album The black light depuis deux ou trois mois. Les choses n’ont pas tellement changé en dix ans. Joey Burns a toujours la même coupe de cheveux, la même chemise à carreaux, il tire toujours la gueule en arrivant sur scène et cabotine ensuite avec le même sourire « Émail diamant ». John Convertino arbore toujours la même chemise blanche et il est toujours l’incarnation de la classe la plus absolue avec son jeu de batterie hypnotique et gracieux. Le groupe est le même, à peu de choses près – je me rappelle avoir vu au moins Volker Zander et Martin Wenk dès les premiers concerts, sans doute les autres aussi étaient-ils déjà là. Manquent juste les mariachi Luz de Luna qui les accompagnaient sur deux tournées, celles dont je garde un souvenir ébloui.


Pour ceux qui ne connaissent pas Calexico, le casting en images :

Joey Burns, l’homme aux éternelles chemises à carreaux : 

John Convertino, le batteur le plus fascinant de Tucson, du monde et de l’univers réunis :

Paul Niehaus que j’adore photographier sans bien savoir pourquoi – à un concert d’Iron & Wine où je m’étais passablement emmerdée par ailleurs, j’avais fait plusieurs gros plans de sa main.

Volker Zander qui a toujours une bouille pas possible en photo (en vrai aussi, d’ailleurs) :

Martin Wenk, et aussi Jacob Valenzuela au fond (pas très visibles, il est vrai) :

(Note aux photographes de petite taille qui auraient l’idée saugrenue d’entasser leurs affaires sur le devant de la scène : si vous avez le format adéquat pour vous accouder à la scène de la Cigale, évitez de poser devant vous un pull de couleurs vives qui aura la fâcheuse idée d’apparaître sur le bas de vos photos et d’en flinguer une partie.)

 

J’ai un peu décroché de la musique du groupe mais je continue à les suivre comme de vieux amis dont on prend régulièrement des nouvelles. Comme je l’expliquais dans une entrée précédente, j’avais été un peu déçue par le concert donné il y a deux ans au Bataclan et je craignais de revivre la même chose hier. On se sent toujours devenir vieux con quand un groupe qu’on suit depuis longtemps nous emballe moins qu’avant mais qu’on est entouré d’un public de plus en plus enthousiaste, limite hystérique. Ça m’avait énervée, au Bataclan. L’impression de voir un groupe surdoué devenir une machine certes efficace, mais qui marchait au pilote automatique. Et qui avait renoncé à une certaine spontanéité au profit d’une formule trop bien rôdée.

 

Hier aussi, le début m’a énervée. C’était un peu trop lisse et mécanique, et surtout, le groupe a joué dans la première demi-heure deux des chansons qui illustrent le mieux, pour moi, la façon dont Calexico peut parfois tourner en rond. D’abord Across the wire qui est une des chansons que j’aime le moins de leur répertoire – elle n’est pas si mal en soi, mais ils ont déjà fait la même chose en beaucoup mieux. Et puis Roka, autre morceau caractéristique de la tendance hispanisante de leur musique (arrangements de cuivres, paroles mélangeant espagnol et anglais). Entendre le public devenir totalement hystérique aux premières notes d’Across the wire m’a énervée et déçue à la fois. Je me suis dit que c’était mort et que j’étais arrivée à un stade où je n’étais plus en adéquation avec la musique du groupe.

 

C’est la partie où j’ai le plus mitraillé en attendant que ça passe, pour ainsi dire. Un peu déçue de ne pas très bien voir John Convertino d’où j’étais placée. J’ai obtenu deux photos de lui dont je suis assez fière, mais presque par accident. Le reste du temps, soit il était caché derrière les cymbales, soit le résultat est flou. Je regrettais de ne pas pouvoir observer mieux que ça son jeu de batterie. Dieu sait que s’il y a un membre de Calexico devant qui je suis en admiration béate, c’est bien lui.

 

Et puis il s’est passé quelque chose. Ils ont joué Black heart qui est un de mes morceaux préférés, forcément beaucoup moins poignant sur scène en l’absence des cordes, mais ça me fait toujours quelque chose de l’entendre. Je crois que c’est là que j’ai plongé. Et je me suis laissée gagner par la transe. Il faut dire que les morceaux du nouvel album Carried to dust passent remarquablement bien sur scène (j’ai un faible pour The news about William joué en fin de concert). J’ai trouvé le set un peu plus surprenant que ce à quoi je m’attendais. Je leur suis reconnaissante d’une chose au moins : c’est la première fois, en dix ans, que je vois un concert où ils ne jouent ni Stray, ni Minas de cobre qui faisaient partie des incontournables. J’adore ces deux morceaux, ce sont deux des grands moments de The black light, mais il était temps qu’ils passent à autre chose. Il y a bien eu The crystal frontier qui est un autre incontournable en live, mais l’énergie et le souffle étaient là. Et j’ai repensé, comme toujours, à la toute première fois où j’ai entendu ce morceau sur scène. C’était au Trabendo en 2000. J’avais eu l’impression de vivre un moment de folie qui balayait tout sur son passage, conclusion parfaite d’un des concerts les plus intenses et les plus euphorisants que j’aie jamais vus. Je crois que je me suis résignée à ne plus jamais connaître l’extase de cette tournée-là. Je sais que je ne vivrai plus jamais ce moment où j’avais observé, totalement hypnotisée, le jeu de John Convertino pendant toute la durée d’un Fade hallucinant qui paraissait s’étirer à l’infini (une de leurs chansons les plus méconnues, mais une des plus belles à mon avis – j’en avais posté une vidéo dans une entrée précédente).

 

Mes photos seront demain sur le Cargo, et en attendant, je me repasse en musique de fond l’album Hot rail que je n’avais pas ressorti depuis longtemps. Il contient justement Fade, qui m’a encore donné la chair de poule tout à l’heure. Et le superbe Sonic wind. Et quelques instrumentaux magnifiques, notamment le génial Mid-town. Je crois que je vais passer à Feast of wire dans quelques minutes, ne serait-ce que pour réentendre Black heart et Sunken waltz joués hier. Il n’y a eu que ces deux-là, parmi mes morceaux préférés – mais ils ont de nouveau réussi à me surprendre. Et ça, c’est inestimable.

 

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