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Où l’on repasse son costume de libraire

Quelques mots rapides depuis les terres albigeoises où je profite du soleil qui s’obstine à bouder Paris (le fourbe). Paris où je m’apprête, dans deux petits jours, à endosser mon costume de « libraire d’un soir » à la librairie Charybde. Deux jours pour finir de préparer la présentation de sept coups de coeur littéraires que j’ai envie de partager, pour me laisser balader sur YouTube (d’extraits d’adaptations cinématographiques en lectures par des acteurs anglophones), pour choisir quelques passages à lire tout haut, et globalement essayer de ne pas avoir le trac. Rendez-vous vendredi, 129 rue de Charenton dans le 12ème, à partir de 18h30.

Paris aussi où se déroulait la semaine dernière la traditionnelle Fête de la musique du Cargo. Magnifique soirée dans le calme d’un jardin bien rempli où revoir avec plaisir certains artistes (Maud Lübeck et Simon Beaudoux) et faire de belles découvertes (Lidwine, The Dove and the Wolf, Erevan Tusk ou encore Tiny Ruins). Encore une de ces nombreuses occasions où je suis ravie de m’être embarquée dans l’aventure de ce chouette petit rafiot. Je posterai peut-être quelques photos ici à mon retour.

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Les eaux de Silent Hill

 

Avant toute chose, pour ceux qui prendraient la saga en cours de route, j’ai déjà détaillé ici en quatre parties distinctes ma rencontre/coup de foudre pour la série des jeux Silent Hill qui sont, tout simplement, l’une des œuvres fantastiques les plus riches et les plus impressionnantes que j’ai découvertes ces dernières années. Pour ceux qui le souhaiteraient, se reporter donc aux billets consacrés à Silent Hill, Silent Hill 2 (attention chef-d’œuvre), Silent Hill 3 et Silent Hill : The Room.

Pour avoir souvent entendu dire que le dernier bon jeu de la série était The Room et que les trois suivants tombaient de plus en plus bas, j’attendais ce Downpour, huitième jeu de la série, avec une appréhension mêlée d’un soupçon d’espoir. D’autant que les premiers comptes-rendus étaient plutôt élogieux. À ma grande surprise, j’ai presque retrouvé le même plaisir de jeu qu’avec les trois premiers. Nettement plus en tout cas qu’avec The Room qui était certes plus original, mais plombé par des longueurs pénibles et un gameplay assez peu pratique.

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On incarne cette fois Murphy Pendleton, repris de justice qui réchappe d’un accident de car lors d’un transfert vers une nouvelle prison. Il se retrouve aux abords d’une ville déserte, noyée dans la brume et peuplée de monstres qui se déchaînent lorsque l’orage éclate – vous aurez bien entendu reconnu la riante bourgade de Silent Hill. Laquelle incarne, une fois de plus, une sorte de purgatoire où échouent des âmes perdues qui en ont lourd sur la conscience et refusent de regarder leur passé en face. Murphy, d’emblée, nous est plutôt présenté comme un brave type. Or, la première scène du jeu le montre en train de tuer un autre détenu à coups de couteau dans les douches de la prison avec la complicité d’un surveillant. On devine très tôt qu’il s’agit d’un personnage que des circonstances dramatiques et complexes auront poussé sur la voie du crime, et il faudra tout le déroulement du jeu pour découvrir de quelle manière. En ce sens, le scénario de Downpour rappelle beaucoup celui de Silent Hill 2 : les deux jeux sont des variations sur le remords, la culpabilité et un passé lourd à assumer, même si la faute de Murphy est très différente de celle de James Sunderland.

En cherchant vraiment la petite bête, on pourrait reprocher à Downpour de lorgner un peu trop vers ses glorieux aînés. Notamment, donc, au niveau du scénario. Mais de mon point de vue, c’est justement une grande partie du plaisir, d’autant qu’on a beaucoup reproché aux jeux précédents d’avoir trahi l’esprit initial de la série. Dans Downpour, l’esprit est là, sans doute possible. On retrouve cette ambiance lourde et moite, ces personnages torturés, cette attention aux moindres détails, cette symbolique fantastique dont la richesse impressionne et dont l’esthétique prend aux tripes. La ville, comme toujours, est le reflet de l’espace mental d’un personnage. Ici, elle développe d’innombrables variations autour du thème de l’eau, dont on devine très vite qu’elle représente pour Murphy l’écho d’un drame passé. Ce qui donne lieu à un certain nombre de scènes qui sont autant de fulgurances poétiques (pour peu qu’on accepte de trouver une certaine poésie dans une esthétique horrifique à la Clive Barker). Voir ces scènes magnifiques de la dernière partie du jeu où Murphy se déplace dans des pièces inondées où les reflets ont leur propre logique, et qu’il peut retourner dans un sens ou dans l’autre en actionnant des vannes.

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De manière générale, un soin particulier a été apporté à l’esthétique de « l’autre monde », cette version parallèle et infernale de Silent Hill dans laquelle basculent régulièrement les personnages des jeux, et qui possède dans chacun une esthétique différente. Dans le premier jeu, des surfaces métalliques rouillées. Dans le troisième, des murs animés de palpitations quasi organiques. Ici, l’autre monde est un amalgame d’influences allant de Bosch aux illusions d’Escher et qui provoque un authentique malaise, une impression de profonde anomalie. On passe assez peu de temps dans cet autre monde (à peine une heure et demie pour moi sur treize heures de jeu) mais ce sont des séquences impressionnantes. Parfois un peu trop orientées action à mon goût : on s’y fait pourchasser par une lumière rouge dans d’interminables couloirs qui se transforment sous nos yeux. Mais il faut reconnaître que ces séquences sont mémorables par leur ambiance, et réellement déconcertantes lorsqu’on les découvre au début du jeu. À l’instar de cet escalier infini où j’ai couru un bon quart d’heure avant de comprendre qu’il suffisait de rebrousser chemin et de rouvrir la porte qu’on venait de franchir pour découvrir un nouveau décor.

Pour le reste, l’exploration de la ville elle-même est plus classique au premier abord. Un peu longuette dans sa première heure, mais c’est le cas de tous les jeux de la série. Une nouveauté propre à Downpour consiste à permettre une exploration plus libre de la ville, là où les premiers jeux étaient très dirigistes. Ce qui me semble une bonne idée dans l’absolu, moins dans la pratique : on se perd si facilement dans les rues brumeuses de Silent Hill, et on stresse tellement les trois quarts du temps, que j’ai tendance à foncer le plus vite possible là où me mène le scénario. Cela dit, il y a de fort belles choses dans les quêtes secondaires que j’ai pu voir. Notamment celle qui se déroule dans un vieux cinéma où il faut diffuser plusieurs bobines et entrer littéralement à l’intérieur des films pour y accomplir certaines actions. Pour la petite histoire, aux rues historiques baptisées d’après des écrivains d’horreur vient désormais s’ajouter un « Brite Street » qui m’a fait sourire – sans parler du pénitencier Overlook et du quartier de Chastain Heights qui fleurent bon les clins d’œil à Stephen King.

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Silent Hill : Downpour me laisse le sentiment d’un jeu un peu hybride qui cherche un équilibre entre le respect des classiques d’origine (les innombrables heures passées à explorer des bâtiments déserts et à résoudre des énigmes, mon aspect préféré du jeu) et des innovations plus ou moins réussies (les incursions dans l’autre monde, les quêtes secondaires, la lampe torche UV qui permet de découvrir des indices). Et qui multiplie par moments les références à ses aînés, comme ce juke-box qui diffuse le thème à la mandoline du premier jeu lorsqu’on y introduit une pièce. De ce fait, Downpour n’est jamais répétitif et se montre même souvent remarquablement inventif. Et si la partie « normale » de la ville est sensiblement plus calme que dans les jeux précédents, il y a un vrai frisson à voir le décor se dissoudre sous nos yeux et à anticiper le basculement tant redouté dans l’autre monde. Le jeu, en tout cas, respecte pleinement l’esprit de la série dans son approche symbolique du fantastique – même si j’ai quelques doutes sur certains motifs récurrents qui ne me semblent pas justifiés à contrario par le déroulement de l’histoire. On y retrouve cette sensation particulière qu’offraient les premiers jeux, entre profond malaise et vrais moments d’émerveillement. Il y a dans les rues de Silent Hill une forme de poésie morbide que je crois bien n’avoir jamais croisée ailleurs. Et tout esprit critique mis à part, j’ai pris ici un plaisir de jeu quasiment équivalent à celui que m’avaient procuré les trois premiers. Pour une série dont je croyais ne plus rien devoir attendre, c’est déjà énorme.

 

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"Serpentine", premier mouvement

Voilà déjà quelques années que je suis en contact avec le compositeur Jérôme Marie, qui travaille à une adaptation de ma nouvelle « Serpentine » destinée à être jouée en public, peut-être courant 2012. Au fil des échanges, j’ai entendu par bribes la quasi totalité de la pièce. C’est beau, atmosphérique à souhait, et ça colle remarquablement bien à l’ambiance de la nouvelle telle que je l’imagine. Jérôme Marie a récemment publié sur son blog cette vidéo du premier mouvement, pour vous en donner un aperçu.

 

 

 

 

Sinon, cette première semaine de reprise en résumé : Aurillac, ses profs et lycéens ont l’accueil chaleureux, Elliot du Néant de David Calvo est un roman touchant, foisonnant et indescriptible (dédicace ce samedi chez Scylla, venez nombreux), Alejandro Amenabar est grand (grosse claque en découvrant sur le tard Ouvre les yeux et surtout l’épatant Tesis), Silent Hill: Downpour est étonnamment bon, horrifique et poétique à souhait (compte-rendu quand je l’aurai terminé), et la difficulté de retoucher un texte une fois qu’on en a figé le déroulement par l’écriture ne cessera jamais de m’étonner, mais ceci est littéralement une autre histoire.

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Venezia (1) : Suspiria by night

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Pour Noël, ma sœur avait eu la bonne idée de m’offrir Portugal, la très belle BD de Pedrosa, en sachant que le propos me parlerait. La BD évoque avec une grande justesse le rapport compliqué qu’on peut entretenir avec un pays dont un de nos parents est originaire, mais où l’on n’est pas né soi-même. Elle se termine lorsque le héros entreprend de retourner au Portugal pour la première fois de sa vie d’adulte et d’y découvrir le pays sous un jour nouveau et entièrement personnel.


Quand j’ai lu Portugal, j’étais déjà en train de planifier ce qui serait mon premier séjour en Italie depuis près de vingt ans. L’idée de visiter Venise en particulier me trottait dans la tête depuis longtemps. Parce que l’idée d’une ville construite sur l’eau me fascine, parce que j’ai un peu écrit dessus sans la connaître, et parce que c’était pour moi une ville neutre : je n’y connais personne, je ne l’ai visitée qu’une fois et je n’en gardais qu’un très vague souvenir. Conditions parfaites pour refaire connaissance avec l’Italie et me la réapproprier.

 

Je partais forcément un peu à la recherche de l’Italie de mes souvenirs d’enfance. Et comme il se doit, j’y ai trouvé tout autre chose. Même si les réminiscences me tombaient parfois dessus sans prévenir : devant des marques dont j’avais oublié l’existence, une vitrine de camées aux environs du Rialto, les avis nécrologiques affichés aux murs dans les rues, ou encore au moment de commander ma première glace en italien depuis vingt ans (amarena et fiordilatte).

 

 

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Ce que j’ai trouvé à la place ? Une ville fascinante et attachante que je n’attendais pas aussi protéiforme. Selon les moments et les quartiers, Venise offre des dizaines d’ambiances différentes. Le premier jour, j’ai détesté traverser le pont du Rialto au milieu de la foule ; trois jours plus tard, j’y passais un moment tranquille et agréable aux abords du marché. Quand on se lasse de la foule des coins les plus touristiques, il suffit de s’éloigner de quelques ruelles pour se retrouver dans un labyrinthe de murs étroits reliés par des cordes à linge. On m’avait conseillé de me perdre dans les ruelles ; je n’avais pas compris que lorsqu’on s’y perd, c’est littéralement. En bonne Parisienne habituée à naviguer à l’intuition pour retomber très vite sur une artère passante ou une station de métro, je ne compte plus les moments passés à errer d’une impasse à l’autre en cherchant désespérément à rejoindre les canaux et les arrêts de vaporetto. D’où une coïncidence cocasse qui m’aura fait tomber par hasard sur une librairie française tenue par un ancien Nancéen au cœur du quartier de Castello, alors que je cherchais un moyen de regagner mon hôtel. J’en suis repartie avec un tarot de Corto Maltese et l’impression d’un moment un peu irréel.

 

En cinq jours, s’il y a une chose dont je suis ravie, c’est d’avoir évité la traditionnelle visite de la place Saint-Marc au milieu de la foule. Au lieu de quoi, sur un coup de tête, je m’y suis aventurée le premier soir. Parce que le premier vaporetto dans lequel je suis montée s’y arrêtait, et parce que je voulais voir le Pont des Soupirs mis en scène dans ma nouvelle « La Cité travestie ». Entre le nom italien du pont (Ponte dei Sospiri), l’ambiance nocturne et le souvenir d’une scène du film, je me suis retrouvée à fredonner en boucle le thème de Suspiria, avec une impression d’extase qui frôlait l’hilarité franche. Un de ces moments qu’on vit parfois quand on voyage seul et qu’on a bien du mal à expliquer ensuite. Mais je me suis rarement autant amusée en voyage que ce soir-là, sur la place Saint-Marc quasi déserte, redevenue imposante après la tombée de la nuit. On a beau savoir qu’on n’est pas le premier touriste à avoir eu cette judicieuse idée, difficile de chasser l’impression de nouer avec les lieux un lien secret et  personnel. C’était ma place Saint-Marc ce soir-là, et mon Pont des Soupirs. Lequel n’a pas trop semblé m’en vouloir pour les crimes commis par le personnage de ma nouvelle.


 

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Souvenirs de Perdide

Jour de grande tristesse pour les fans de BD, de SF, et tous ceux qui auront comme moi découvert L’Incal ou Le Garage hermétique à l’adolescence, ou passé leur enfance à regarder en boucle le superbe dessin animé de René Laloux, Les Maîtres du temps (sans bien en comprendre la fin et son paradoxe temporel, ce qui ne rendait l’ensemble que plus fascinant). Moebius est décédé aujourd’hui à l’âge de 73 ans. Il y a des artistes d’une telle envergure qu’on a du mal à se rappeler qu’eux aussi sont mortels.

 

 

 

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