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Le petit écran fantastique

Pour ceux qui auraient raté les diffusions sur Nolife de Fantasy Stars, le documentaire d’Olivier Gand sur les auteurs de fantasy et les jeux vidéo (featuring Fabrice Colin, Mathieu Gaborit, David Calvo, Laurent Genefort et ma pomme), l’émission est encore visible en streaming sur le site de Nolife. Je ne sais pas combien de temps elle le sera encore. Je me demandais récemment dans quelle mesure, quand on fait un métier en rapport avec une passion de longue date, une partie de nos objectifs ne sont pas dictés par l’envie de concrétiser de vieux fantasmes d’adolescence. Tout ce que je sais, c’est que l’ado de 13/14 ans que j’étais, et qui passait son temps à feuilleter Amstrad 100% et à jouer à Barbarian et autres Arkanoid, aurait adoré l’idée de passer sur une chaîne consacrée aux jeux et à la culture geek en général. Je ne vais pas faire la blasée, l’expérience m’a vraiment amusée.

 

Autre manière de retomber un peu en adolescence : profiter de trajets en train pour relire Mad Movies et L’Ecran Fantastique comme au bon vieux temps où je dévorais ces deux revues. C’est généralement le signe que je suis en manque de fantastique et que j’ai besoin de mon fix. Suite à un article lu dans L’Ecran Fantastique, j’ai commencé par tester Marchlands, mini-série fantastique anglaise racontant l’histoire de trois familles qui habitent la même maison à trois époques différentes (années 1960, 1980 et 2010) et qui sont, de différentes manières, confrontées à la présence du fantôme d’une petite fille morte noyée. La série m’a emballée et un peu déçue à la fois. Du côté des plus : une interprétation excellente, des personnages bien campés, et surtout un parti pris intéressant de mise en scène, qui joue sur les décors et les lieux pour créer le lien entre les époques. On y voit trois familles se lever le matin, déjeuner, prendre le bus au même arrêt, dans des décors que le temps a transformés. L’effet produit donne vraiment un cachet particulier à la série. Du côté des moins, en revanche : une intrigue qui finit par tourner un peu en rond et qui ne tient pas toutes les promesse d’un début réellement saisissant ; une histoire de possession finalement très classique dans la partie 1980 ; une partie contemporaine moins prenante que les autres, faute d’attachement réel aux personnages ; et une résolution un peu décevante, quoique surprenante. Ceci étant dit, Marchlands mérite le coup d’oeil.

 

Autre tentative d’immersion fantastique : le Silent Hill de Christophe Gans, dont je gardais un mauvais souvenir mais que je voulais revoir en tant qu’adaptation d’un jeu qui m’avait, entre temps, énormément marquée (voir l’entrée précédente à ce sujet). Le film m’énerve peut-être encore plus qu’avant, même si je dois lui reconnaître d’évidentes qualités plastiques et techniques. Visuellement, on plonge pour de bon dans Silent Hill, et la ville fantôme est presque aussi vivante dans le film que dans les jeux, notamment grâce au travail sur la bande-son. Certaines séquences réussissent à reproduire le ressenti des jeux, surtout au tout début, ce qui n’est pas un mince exploit. Pour le reste, on n’est pas loin du ratage intégral. Là où certaines adaptations souffrent de ne pas s’éloigner du matériau d’origine, Silent Hill a paradoxalement le problème inverse : lorsqu’il colle fidèlement au jeu, le résultat est très beau. Lorsqu’il s’en éloigne, c’est le chaos, et pas dans le bon sens du terme. Le principal défaut du film, pour moi, consiste à avoir conservé des éléments centraux (certains monstres et certains personnages) en les privant de la dimension symbolique qui leur était associée. Rien ou presque n’était gratuit, dans les jeux ; l’imagerie enfantine et médicale, par exemple, finissait par trouver une explication glaçante mais parfaitement logique. Ici, plus rien ne tient la route, on est dans un collage maladroit plutôt que dans une intrigue réfléchie. Par-dessus le marché, je ne comprends pas l’intérêt d’avoir conservé le personnage central d’Alessa, une fillette à l’histoire tragique indissociale de celle de la ville, si c’était pour modifier entièrement le pourquoi du comment. Exit la dimension occulte de son histoire, qui pouvait expliquer l’ampleur terrifiante des conséquences et l’aspect résolument autre de la ville ; on la remplace par une vague explication psychologique ratée. D’une figure absolument terrible, presque un fantôme, que l’on pourchassait tout au long du jeu, on essaie de faire un monstre grotesque à la Ring, atrocement mal incarné par une Jodelle Ferland crispante qu’on a connue meilleure actrice dans le Tideland de Terry Gilliam. Au minimum, il aurait été logique de conserver l’idée des pouvoirs paranormaux d’Alessa, au lieu de faire d’elle une fillette ordinaire que les autres persécutent simplement parce qu’elle n’a pas de père. Le film est longuet, décousu, bardé de clichés, et ne parvient à aucun moment à recréer l’attachement qu’on pouvait éprouver pour les personnages du jeu, ce qui est quand même un comble. On était beaucoup plus touchés par l’histoire de Harry Mason recherchant sa petite fille qu’il ne retrouverait jamais (car l’enjeu réel du jeu est ailleurs), que par ce personnage de femme forte prête à se battre pour retrouver la sienne et qui nous laisse totalement indifférents. Malgré leurs graphismes sommaires, les cinématiques du jeu étaient autrement plus puissantes. Je reste persuadée qu’un grand film sur Silent Hill reste à faire ; l’intrigue très travaillée de Silent Hill 2 pourrait donner un film magnifique, pour peu qu’un réalisateur accepte d’en respecter la terrifiante logique. Rien ne m’énerve plus, en fin de compte, qu’un récit fantastique sans logique interne.

 

Tout ça me laisse quand même sur ma faim. Si vous avez des films ou séries fantastiques à me conseiller, je suis preneuse. C’est plutôt du côté de la SF et du polar que j’ai trouvé mon compte ces derniers temps, avec la quatrième saison de Dexter qui démarre très fort, et surtout le dernier X-Men qui m’a vraiment impressionnée par son absence de manichéisme et la profondeur nouvelle du personnage de Magnéto. L’ombre des camps de concentration, et ce que l’humanité peut faire de pire dans ses heures les plus noires, imprègne tout le film et pousse à comprendre, en fin de compte, comment une victime de barbarie peut devenir bourreau à son tour. Si le premier X-Men était le film de Wolverine, celui-ci est réellement le film de Magnéto, et c’est sans doute un des meilleurs de la série.

 

Pour en revenir au fantastique, quelques mots sur Ainsi naissent les fantômes, le recueil de Lisa Tuttle que j’ai réuni, traduit et présenté pour Dystopia : une interview lui est consacrée dans le nouveau numéro d’Elegy, il devrait en être question dans la prochaine édition de l’émission Salle 101, et je le présenterai ce samedi au Virgin Megastore des Champs-Elysées à partir de 17h, dans le cadre d’une séance de dédicaces spéciale Dystopia. Seront également présents Léo Henry et Jacques Mucchielli pour Bara Yogoï, ainsi que Stéphane Perger, l’illustrateur des deux ouvrages. 

 

 

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