Blog : juin 2015

De l’interdiction de s’arrêter

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Une fois n’est pas coutume, envie de recopier ici tel quel ce texte publié l’autre jour sur Facebook, sur un coup de tête, et qui semble avoir trouvé des échos chez pas mal d’autres personnes, si j’en crois le nombre de commentaires, messages et témoignages que j’ai reçus depuis. Une réflexion que je me suis souvent faite ces quinze dernières années, et qui semble de plus en plus vraie. La façon dont on “consomme” la culture à l’heure actuelle, avec la notion d’immédiateté qui l’accompagne, ne fait à mon sens qu’accentuer les choses.

Pas mal de questionnements ressortent en cette semaine doublement symbolique pour moi, entre la réduction prochaine des doses du médicament qui m’a permis de tenir debout depuis le burn-out de l’automne dernier, et l’arrivée de l’étape que j’ai tellement attendue pendant ces neuf mois : celle où je n’ai plus ni projets en attente, ni chroniques ou interviews à préparer, ni nouvelles ou articles à écrire pour une date fixe, “juste” la traduction en cours, soit le boulot qui paie les factures et auquel je vais donc réellement pouvoir me consacrer à temps plein.

Je me dis qu’il faudrait un jour écrire noir sur blanc à ce sujet, mais je trouve de plus en plus insidieux, dans les métiers de la création, l’interdiction qui nous est faite de nous arrêter. Pas seulement pour des questions financières (rappelons que les indépendants n’ont ni congés payés, ni droit au chômage), mais une idée bien ancrée dans les esprits selon laquelle un artiste doit créer tout le temps, sans exception. Le pire étant pour moi la façon dont on finit par l’intégrer, en se disant que “les autres y arrivent”, que “c’est moi qui suis incapable d’assurer”, jusqu’à ce que la corde sur laquelle on tire finisse par lâcher. Au point que je me retrouve gênée d’admettre, quand on me pose la question, que je n’ai pas écrit de nouvelles depuis “La clé de Manderley” en août dernier, avant de me rappeler qu’il y a de très bonnes raisons à ça (projets chronophages, énergie réduite et nécessité de privilégier ce qui payait les factures). Au point que je suis gênée d’avouer que je ne veux pas envisager la reprise de l’écriture avant au moins l’automne. Parce que “faire une pause”, “recharger ses batteries”, vivre un peu entre deux textes en essayant de ne pas s’épuiser, ce n’est pas une réponse recevable.

Sans doute qu’on n’est pas égaux face à l’énergie qu’on est capable d’injecter dans la création, et sans doute que j’y suis plus sensible depuis l’an dernier. Mais je songe de plus en plus qu’il y a là une forme de tabou qui peut miner autant que la précarité associée à ces métiers. Sentir qu’on passe pour une feignasse quand on cherche simplement à trouver comment avancer au mieux n’est pas toujours très agréable. Et j’aimerais sincèrement comprendre un jour pourquoi, dans l’esprit des gens, l’idée même d’une pause passe pour de la paresse ou un caprice dès lors qu’on a fait le choix d’un chemin passant par la création. Et pourquoi, à force de se faire (plus ou moins gentiment) vanner sur le sujet, on finit par y croire soi-même.

 

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Dédicaces aux corneilles

Tampon corbeau

Un point rapide sur les dernières dédicaces de la saison avant la pause estivale.

Ce samedi 21 juin, je participerai aux “Rencontres de l’imaginaire” organisées par le club Présences d’Esprit, qui se dérouleront de 14h à 18h au Dernier Bar Avant la Fin du Monde (1er et 2ème sous-sol, me souffle-t-on).

Début juillet, ce sera Japan Expo où Bragelonne aura un stand. Je serai présence le jeudi 2 de 24h à 16h en compagnie de Samantha Bailly, et le dimanche 5 de 11h à 13h avec H.V. Gavriel.

Un peu plus tard, à la rentrée, je participerai de nouveau au très chouette festival Scorfel de Lannion, dont j’ai déjà parlé ici et (26-27 septembre).

Pour plus de détails, n’hésitez pas à vous reporter à l’Agenda de la page d’accueil.

Je serai munie pour l’occasion de mon attirail de dédicaces tout neuf : cartes de visite gracieusement offertes par Bragelonne à ses auteurs, tampon encreur commandé tout spécialement à la talentueuse Amandine Labarre, auteur notamment de la superbe couverture du Porcelaine d’Estelle Faye pour n’en citer qu’une. J’en profite pour vous signaler la boutique en ligne d’Amandine où vous trouverez des cartes, bijoux, tampons et autres bibelots en édition limités fabriqués avec amour. Outre ce tampon-corneille créé pour l’occasion, j’ai également fait l’acquisition d’un autre tampon en forme de citrouille, ainsi que d’un de ses adorables petits esprits gardiens à tête de renard qui me faisaient de œil depuis un moment déjà.

 

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Au cœur du tourbillon

L'art de la nouvelle

(c) Sonia Geraci/ActuSF

Un tourbillon de quatre jours, tout va trop vite, trop de visages, trop peu de temps à consacrer à chacun, mais le propre de ce tourbillon-là, c’est de vous faire vous sentir plus vivant que jamais. Des Imaginales intenses, comme souvent, peut-être encore plus. Une somme de petits moments, de fous rires, de retrouvailles et de rencontres, qui vous laisse après coup tout un patchwork d’images et d’émotions. On discute autour des tables, autour d’un livre, autour d’un verre, on pense forcément aux absents (les noms de Graham Joyce et de Gudule furent souvent prononcés), on apprécie d’autant plus intensément la présence des copains qui sont bien là, de ceux qu’on connaît depuis quinze ans aux petits nouveaux qui font déjà partie de la famille.

Souvenirs en vrac de ces Imaginales : un ping-pong verbal en table ronde avec Sylvie Lainé sur le thème de la nouvelle, où l’on multiple les métaphores à base de Tardis, de Tetris et de bains de mer. Une échange passionnant et chaleureux autour des questions de genre et d’identité sexuelle avec Estelle Faye, Carina Rozenfeld et Samantha Bailly, que j’apprécie beaucoup toutes les trois mais avec qui je n’avais jamais partagé de tables rondes. Un petit déjeuner avec Francis Berthelot, des retrouvailles chaleureuses avec Christopher Priest, des discussions avec des lecteurs croisés sur le Net et dont je découvre enfin le visage. Des rencontres intenses avec trois groupes de collégiens qui me remettent leurs dessins, surprenants et émouvants, inspirés par mes nouvelles. Des échanges sur le thème « Lionel, ce héros » avec des collègues tout aussi bluffés que moi par l’aisance de Lionel Davoust lorsqu’il joue les interprètes. Une approche timide de l’adorable Kim Newman, dont j’avais traduit la novella « Andy Warhol’s Dracula » à mes débuts, pour découvrir à ma grande surprise qu’il me situe très bien.

Magic Mirror

(c) Sonia Geraci/ActuSF

Et puis les mots touchants des lecteurs, qui passent parfois simplement donner leur avis sur une table ronde ou sur un livre acheté l’année précédente. Des dédicaces demandées à mon tour : à Sylvie Lainé, Estelle Faye, Kim Newman et puis à Karine Gobled sur son Guide de l’uchronie, lectrice de longue date devenue depuis une amie. Une remise des prix où l’on se réjouit pour les copains qui montent sur scène, où l’on verse une larme lorsque Stéphane Marsan rend un bel hommage à Graham Joyce disparu l’an dernier. Une découverte lorsque je feuillette par curiosité L’étrange cabaret de ma voisine de dédicace Hélène Larbaigt et me retrouve soufflée par son style graphique original. Et la fatigue qui s’accumule, et le pincement au cœur à l’heure de quitter les lieux et les gens, et le trajet en train qui prend toujours des allures de retour de colo.

On rentre des Imaginales avec l’impression d’aimer la terre entière, l’envie de faire des déclarations dégoulinantes de petits cœurs. Ces quatre jours m’auront rappelé pourquoi j’ai souvent eu l’impression, dans le milieu de l’édition de l’imaginaire, d’être non seulement en famille, mais d’avoir enfin trouvé ma place dans le monde.

On prolonge la fête le lendemain dans les locaux de Bragelonne pour une dédicace en plus petit comité où je retrouve avec plaisir Kim Newman, Brent Weeks, Manon Fargetton et Alice Scarling autour d’une assiette de petits fours. Alice et Manon jouent à celle qui aura le plus joli coffret de matériel à dédicaces (stickers et tampons encreurs), Kim dessine des smileys vampires absolument trognons, Brent prend des poses effrayantes avec le canard-vampire du forum AB F&A, et j’apprends à dessiner des petits squelettes en bas des pages. Une journée ordinaire chez Bragelonne.

Il y aurait tant d’autres noms et tant d’autres moments à citer. Un immense merci à tous : les amis, collègues, lecteurs, blogueurs, collégiens et enseignants, l’équipe des Imaginales pour son accueil et son travail acharné, depuis les organisateurs jusqu’aux libraires et bénévoles aux petits soins, et puis l’équipe Bragelonne qui s’occupe toujours si bien de ses auteurs (mention spéciale à Fanny Caignec et à l’irremplaçable Leslie Palant). Les métiers de l’édition ne sont pas les plus faciles et les plus reposants qui soient, mais ces moments-là sont de ceux qui nous rappellent pourquoi tout ça en vaut la peine.

After chez Bragelonne

(c) Valérie Revelut/Onirik

Merci à Sonia Geraci d’ActuSF pour les photos des Imaginales et à Valérie Revelut d’Onirik pour celle de la dédicace chez Bragelonne. ActuSF a commencé la mise en ligne des tables rondes des Imaginales, parmi lesquelles “L’art de la nouvelle”, “Le fantastique français” et “Corps mutant, genre fluctuant” auxquelles je participais.

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