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Lendemain de concert, réveil difficile

À tous ceux qui estimaient que j’avais déjà beaucoup parlé ici de la musique des Dresden Dolls et d’Amanda Palmer et que ça devenait répétitif, je présente par avance mes plus plates excuses, mais vous n’en avez pas fini. Je crois que le personnage me fascine encore plus depuis l’interview d’avant-hier et le concert d’hier soir. Je me sens bizarrement un peu vide, comme souvent après un concert que j’attendais impatiemment et qui a été à la hauteur de mes espérances. Accessoirement, pour avoir pas mal lu son blog ces derniers mois, c’était bizarre de voir en vrai tous ces gens dont elle y parle à longueur de temps et que je ne connaissais qu’en photo, comme Zoë Keating et les quatre membres du Danger Ensemble.

J’ai rédigé un compte-rendu pour le Cargo, sauf que le webzine est en panne pour une durée indéterminée. Une fois n’est pas coutume, je publie donc le compte-rendu ici et je le rapatrierai le moment venu (sans doute un peu retouché). J’ai aussi posté quelques photos sur Flickr. Pour ceux qui voudraient se faire une idée plus précise de certains morceaux mentionnés ici, je vous renvoie à la série de vidéos tournée pour accompagner l’album et visible ici.

Je crois qu’il y a longtemps que je n’avais pas trouvé d’artistes avec qui je me sente autant en phase, c’est-à-dire fascinée à ce point aussi bien par la musique que par la personne qu’on devine derrière. Un peu comme le lien que je peux avoir à l’univers de PJ Harvey par exemple, dont j’admire la démarche générale autant que les albums. J’ai retrouvé un peu le même type d’ambiance au concert d’hier, comme explicité dans le compte-rendu.

Le compte-rendu, donc, avec quelques images :

Amanda Palmer, la Boule noire, 23/10/08

Quand Amanda Palmer nous avait annoncé en interview un spectacle théâtral un peu dingue, nous n’avions pas vraiment pris la mesure de ce que serait ce concert à la Boule noire, ni surtout de ce qu’apporterait la présence des quatre performers australiens formant le « Danger Ensemble« . C’était oublier le côté « artiste complète » qui est l’un des aspects les plus passionnants du personnage, pour qui la sortie d’un disque, par exemple, s’accompagne forcément d’un livre d’images en parallèle (celui de cet album solo est d’ailleurs co-signé par Neil Gaiman). Ceux qui s’attendaient hier à un véritable concert solo ont dû avoir une sacrée surprise.

 

 

On est frappés, dès notre arrivée, par l’ambiance qui règne à la Boule noire. De toute évidence, c’est un concert très attendu, par des fans de longue date autant que par des convertis récents. Certains ont traversé la France pour y assister. Il règne ce climat particulier qu’on rencontre aux concerts d’artistes qui font l’objet d’un culte similaire – on pense notamment à PJ Harvey, pour le mélange de surexcitation et de respect qu’on perçoit chez cette foule. Il faut avoir vu un public pourtant totalement surchauffé laisser PJ Harvey interpréter « To bring you my love » jusqu’à la toute dernière note dans un silence quasi religieux – c’était en 98 à la Cigale – pour comprendre pleinement ce que peut être le respect des fans vis-à-vis d’un artiste qu’ils vénèrent. On retrouve un peu de ça ici, ainsi que le sentiment d’une sorte de camaraderie unissant le public. C’est particulièrement frappant lors des premières parties, que la foule accueillera avec autant de patience que d’intérêt. Il faut dire qu’on a moins l’impression de voir des groupes catapultés sur scène par simple hasard de la programmation que des membres d’une même famille. Ou un spectacle de cirque, plutôt, dont le Monsieur Loyal serait Steven Mitchell Wright du Danger Ensemble, ce bonhomme à la bouille pas possible et à l’accent charmant qui vient à plusieurs reprises annoncer les numéros. Parmi les quatre artistes qui se succèdent pour interpréter deux ou trois morceaux chacun, plusieurs reviendront sur scène en compagnie d’Amanda Palmer. Zoë Keating qui parvient à créer une tension assez hallucinante avec ses solos de violoncelle envoûtants, et un Jason Webley déjanté qui implique le public de manière assez ludique sur une chanson où il le divise en deux parties pour lui faire interpréter d’un côté le chœur des trombones, de l’autre côté celui des violons.

 

 

Après avoir promis de revenir nous annoncer une nouvelle tragique, Steven Mitchell Wright se lance : « Amanda Fucking Palmer is dead », déclare-t-il avant d’entraîner le public à pousser des cris de tristesse et de joie mêlées. Le dernier morceau de Zoë Keating, qui conclut la première partie, est dédié à sa mémoire. Lorsque les quatre artistes du Danger Ensemble montent lentement sur scène dans une ambiance de funérailles, ils sont rejoints par une silhouette voilée qui est trahie par ses béquilles, pour ceux qui ne l’auraient pas reconnue (conséquence d’un petit accident survenu pendant la tournée). La silhouette s’installe derrière le clavier « Kurtweil » décoré de fleurs, elle se dévoile, et on reçoit comme un coup de poing les premières notes rageuses et intenses d’« Astronaut ».

 

 

Il faut avoir le sens du spectacle qui est celui d’Amanda Palmer pour réussir à offrir, malgré une jambe dans le plâtre, un concert aussi peu statique. Elle s’emballe et gesticule derrière son clavier, se fait parfois porter d’un bout à l’autre de la scène par ses partenaires et participe à la majeure partie des chorégraphies. Le tout début du concert, passé « Astronaut », est plutôt calme : un splendide « Ampersand », « Blake says », puis les choses sérieuses commencent. Elle annonce une chanson qui a failli ne pas figurer sur son album, écrite après la fusillade du lycée Columbine. Le violoniste Lyndon Chester égrène une liste de noms de victimes tandis que les membres du Danger Ensemble remontent sur scène pour y défiler lentement, mains sur la tête, déguisés en lycéens. Le moment est beau et grave, à l’image de la chanson. Surtout lorsque les quatre Australiens se laissent retomber à l’avant de la scène dans un ralenti hypnotique pour mimer la mort des victimes, le visage à trente centimètres à peine du premier rang, pendant qu’Amanda ponctue la chanson de « tick… tick… tick… » jusqu’au « boom » final et discret qui noue la gorge.

 

Le contraste avec « Guitar hero », juste après, est saisissant. On avait toujours soupçonné que ce serait une fabuleuse chanson de scène, mais le numéro visuel électrise encore davantage. Rejoints par Amanda à l’avant de la scène, les membres du Danger Ensemble chaussent de grosses lunettes noires à monture rouge et exécutent une chorégraphie rappelant le numéro de zombies de la vidéo tournée pour cette chanson. C’est l’un des premiers grands moments du concert. Le reste de la soirée ressemble à un jeu de chaises musicales où Amanda Palmer alternera les morceaux qu’elle joue seule au clavier, parfois accompagnée de Zoë Keating et de Lyndon Chester, et les numéros interprétés avec les performers australiens. Le tout avec une égale intensité. Dans la première catégorie, une splendide version de « Half Jack », et une reprise d’un morceau irlandais dont nous n’avons pas retenu les références, pendant lequel on la verra discrètement essuyer une larme qui a en passant fait couler son maquillage.

 

On prend conscience de l’impressionnant corpus de chansons qu’elle a déjà rassemblé en trois albums des Dresden Dolls et un album solo. Le répertoire se compose pour un tiers d’extraits de Who killed Amanda Palmer, pour un tiers de morceaux des Dresden Dolls, et pour un autre tiers de reprises parfois improbables. Le public accueille le tout avec un enthousiasme délirant qui a le bon goût de ne jamais sombrer dans l’hystérie. On est impressionné de l’entendre reprendre en chœur l’intégralité des paroles de « Coin-operated boy » (pendant laquelle les deux garçons du Danger Ensemble, munis de pancartes annonçant « Un bisou pour un sou », s’aventurent dans le public tandis que les deux filles les regardent s’éloigner d’un air désespéré). Mais c’est vrai que c’est irrésistible – la chanson elle-même, l’ambiance, le sentiment de connivence entre Amanda, son groupe et son public. Plus tard, tandis que les quatre Australiens, qui ne touchent pas d’argent sur cette tournée, passent quêter dans la foule, Amanda et Jason Webley interrompent en plein milieu une reprise du « grand maître zen » Bon Jovi pour débattre du sens de ses paroles.

 

On sent le spectacle devenir légèrement moins carré vers la fin. Le moment le plus improbable est sans doute le numéro de play-back sur « Umbrella », le tube R’n’B de Rihanna, sur fond de chorégraphie avec des parapluie qui se termine par une douche à la bière pour les premiers rangs. Au rappel, une superbe version du « Port d’Amsterdam » dans un français impeccable, avec Jason Webley à l’accordéon, tandis que Tora Hylands et Kat Cornwell du Danger Ensemble miment des prostituées à l’avant de la scène. Puis Jason et Amanda interprètent en duo l’« Elisa » de Gainsbourg repris en chœur par le public. Pour le dernier titre, un vote soumis à la foule – un morceau de l’album ou une reprise à l’ukulélé – fera pencher la balance vers la deuxième option. Ce sera « Creep » de Radiohead en solo, après qu’Amanda aura passé deux bonnes minutes à tenter d’accorder son instrument.

 

Après la fin du concert, les fans s’attardent, n’ont pas envie de quitter la salle. Ils savent qu’Amanda a coutume de prolonger les concerts par une séance de dédicaces. On la verra s’y prêter de bonne grâce, souriante et chaleureuse, pour signer albums et affiches et se laisser prendre en photo avec les gens. On quitte la salle ébloui, un peu étourdi en fait. Le concert est passé si vite qu’on ne remarque qu’a posteriori que peu de morceaux de l’album solo ont été interprétés. On le regrette un peu, d’autant qu’on aurait adoré vivre en live les deux tubes « Leeds United » et « Runs in the family ». Mais tel quel, c’était déjà un fabuleux spectacle dont on se souviendra longtemps.

 

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Bis repetita

Spéciale dédicace à Daylon, Epikt, rmd et au fan-club informel d’Amanda Palmer qui traîne dans le coin :

 

 

Quatre mois plus tard, on prend les mêmes et on recommence. Le Cargo (dont je ne donne pas le lien aujourd’hui vu qu’il est en panne) sera bientôt fier de vous présenter une interview vidéo d’environ un quart d’heure tournée aujourd’hui même. Moi qui étais frustrée qu’on n’ait pas pu filmer Amanda lors de l’interview précédente, vu que le personnage est assez savoureux, je suis sur un nuage. Et cette fois, j’ai pu prendre des photos.


N’ayant pas une grande habitude des interviews, j’ai trouvé assez rigolo de questionner deux fois la même personne à quatre mois d’intervalle. Ça devrait donner un résultat très différent de la première fois : entre temps, j’ai (beaucoup) écouté l’album, et on disposait d’un peu moins de temps cette fois-ci. Les questions portent de manière plus précise sur les chansons et sur la série de vidéos qui les accompagne. Du coup, les réponses sont plus brèves et s’enchaînent plus rapidement. Un fond de superstition m’empêche d’en dire plus avant d’avoir récupéré le fichier son pour réécouter et retranscrire tout ça, mais le résultat devrait être assez marrant.


Du coup, j’attends le concert de demain soir encore plus impatiemment. Détail intéressant : elle assure en ce moment tous ses concerts avec une jambe dans le plâtre suite à une rencontre malheureuse avec une voiture à Belfast, comme raconté sur son blog. Et elle affirme n’avoir quasiment rien changé à son jeu de scène depuis. Curieuse de voir ça.

 

Je vous laisse en attendant avec mon tube de ces dernières semaines. À demain, pour ceux qui seront à la Boule noire.

 


 

 

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Calexico, dix ans plus tard

 

Putain, dix ans. C’est l’idée qui m’a traversée en arrivant hier devant la scène de la Cigale pour y revoir Calexico (pour la dixième ou douzième fois depuis 1998). À l’époque, c’était déjà à la Cigale que j’étais venue les voir au festival des Inrockuptibles. J’avais acheté ma place exprès pour ce groupe, étant totalement accro à l’album The black light depuis deux ou trois mois. Les choses n’ont pas tellement changé en dix ans. Joey Burns a toujours la même coupe de cheveux, la même chemise à carreaux, il tire toujours la gueule en arrivant sur scène et cabotine ensuite avec le même sourire « Émail diamant ». John Convertino arbore toujours la même chemise blanche et il est toujours l’incarnation de la classe la plus absolue avec son jeu de batterie hypnotique et gracieux. Le groupe est le même, à peu de choses près – je me rappelle avoir vu au moins Volker Zander et Martin Wenk dès les premiers concerts, sans doute les autres aussi étaient-ils déjà là. Manquent juste les mariachi Luz de Luna qui les accompagnaient sur deux tournées, celles dont je garde un souvenir ébloui.


Pour ceux qui ne connaissent pas Calexico, le casting en images :

Joey Burns, l’homme aux éternelles chemises à carreaux : 

John Convertino, le batteur le plus fascinant de Tucson, du monde et de l’univers réunis :

Paul Niehaus que j’adore photographier sans bien savoir pourquoi – à un concert d’Iron & Wine où je m’étais passablement emmerdée par ailleurs, j’avais fait plusieurs gros plans de sa main.

Volker Zander qui a toujours une bouille pas possible en photo (en vrai aussi, d’ailleurs) :

Martin Wenk, et aussi Jacob Valenzuela au fond (pas très visibles, il est vrai) :

(Note aux photographes de petite taille qui auraient l’idée saugrenue d’entasser leurs affaires sur le devant de la scène : si vous avez le format adéquat pour vous accouder à la scène de la Cigale, évitez de poser devant vous un pull de couleurs vives qui aura la fâcheuse idée d’apparaître sur le bas de vos photos et d’en flinguer une partie.)

 

J’ai un peu décroché de la musique du groupe mais je continue à les suivre comme de vieux amis dont on prend régulièrement des nouvelles. Comme je l’expliquais dans une entrée précédente, j’avais été un peu déçue par le concert donné il y a deux ans au Bataclan et je craignais de revivre la même chose hier. On se sent toujours devenir vieux con quand un groupe qu’on suit depuis longtemps nous emballe moins qu’avant mais qu’on est entouré d’un public de plus en plus enthousiaste, limite hystérique. Ça m’avait énervée, au Bataclan. L’impression de voir un groupe surdoué devenir une machine certes efficace, mais qui marchait au pilote automatique. Et qui avait renoncé à une certaine spontanéité au profit d’une formule trop bien rôdée.

 

Hier aussi, le début m’a énervée. C’était un peu trop lisse et mécanique, et surtout, le groupe a joué dans la première demi-heure deux des chansons qui illustrent le mieux, pour moi, la façon dont Calexico peut parfois tourner en rond. D’abord Across the wire qui est une des chansons que j’aime le moins de leur répertoire – elle n’est pas si mal en soi, mais ils ont déjà fait la même chose en beaucoup mieux. Et puis Roka, autre morceau caractéristique de la tendance hispanisante de leur musique (arrangements de cuivres, paroles mélangeant espagnol et anglais). Entendre le public devenir totalement hystérique aux premières notes d’Across the wire m’a énervée et déçue à la fois. Je me suis dit que c’était mort et que j’étais arrivée à un stade où je n’étais plus en adéquation avec la musique du groupe.

 

C’est la partie où j’ai le plus mitraillé en attendant que ça passe, pour ainsi dire. Un peu déçue de ne pas très bien voir John Convertino d’où j’étais placée. J’ai obtenu deux photos de lui dont je suis assez fière, mais presque par accident. Le reste du temps, soit il était caché derrière les cymbales, soit le résultat est flou. Je regrettais de ne pas pouvoir observer mieux que ça son jeu de batterie. Dieu sait que s’il y a un membre de Calexico devant qui je suis en admiration béate, c’est bien lui.

 

Et puis il s’est passé quelque chose. Ils ont joué Black heart qui est un de mes morceaux préférés, forcément beaucoup moins poignant sur scène en l’absence des cordes, mais ça me fait toujours quelque chose de l’entendre. Je crois que c’est là que j’ai plongé. Et je me suis laissée gagner par la transe. Il faut dire que les morceaux du nouvel album Carried to dust passent remarquablement bien sur scène (j’ai un faible pour The news about William joué en fin de concert). J’ai trouvé le set un peu plus surprenant que ce à quoi je m’attendais. Je leur suis reconnaissante d’une chose au moins : c’est la première fois, en dix ans, que je vois un concert où ils ne jouent ni Stray, ni Minas de cobre qui faisaient partie des incontournables. J’adore ces deux morceaux, ce sont deux des grands moments de The black light, mais il était temps qu’ils passent à autre chose. Il y a bien eu The crystal frontier qui est un autre incontournable en live, mais l’énergie et le souffle étaient là. Et j’ai repensé, comme toujours, à la toute première fois où j’ai entendu ce morceau sur scène. C’était au Trabendo en 2000. J’avais eu l’impression de vivre un moment de folie qui balayait tout sur son passage, conclusion parfaite d’un des concerts les plus intenses et les plus euphorisants que j’aie jamais vus. Je crois que je me suis résignée à ne plus jamais connaître l’extase de cette tournée-là. Je sais que je ne vivrai plus jamais ce moment où j’avais observé, totalement hypnotisée, le jeu de John Convertino pendant toute la durée d’un Fade hallucinant qui paraissait s’étirer à l’infini (une de leurs chansons les plus méconnues, mais une des plus belles à mon avis – j’en avais posté une vidéo dans une entrée précédente).

 

Mes photos seront demain sur le Cargo, et en attendant, je me repasse en musique de fond l’album Hot rail que je n’avais pas ressorti depuis longtemps. Il contient justement Fade, qui m’a encore donné la chair de poule tout à l’heure. Et le superbe Sonic wind. Et quelques instrumentaux magnifiques, notamment le génial Mid-town. Je crois que je vais passer à Feast of wire dans quelques minutes, ne serait-ce que pour réentendre Black heart et Sunken waltz joués hier. Il n’y a eu que ces deux-là, parmi mes morceaux préférés – mais ils ont de nouveau réussi à me surprendre. Et ça, c’est inestimable.

 

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Où trois journées à forte teneur musicale vous transforment en ballon à l’hélium

 

Premiers concerts depuis deux mois et je redécouvre coup sur coup 1) le pied pas possible qu’on prend le soir en rentrant chez soi et en découvrant ses photos sur écran, et 2) le gros ras-le-bol qui vous tombe dessus au terme de plusieurs heures passées à bidouiller sous Photoshop pour sélectionner/retoucher/mettre en ligne. C’est quand même largement le 1) qui prédomine, mais j’avoue que dans la mesure où j’ai fait fort au niveau du volume cette semaine, mon temps de travail en a légèrement pâti. Comme on dit : demain, j’arrête. Jusqu’à la prochaine fois. Mais ça en valait la peine.

 

J’attendais le festival Fargo All Stars avec impatience : l’affiche était très belle, entre les artistes que j’attendais de revoir et ceux que j’étais curieuse de découvrir. Sans compter que c’est toujours un plaisir particulier de revenir deux soirs de suite dans la même salle : pendant la journée qui suit, c’est comme si on n’en était pas réellement parti.

 

Les deux seuls sets que je n’ai pas tenté de photographier sont aussi les deux qui m’ont le moins marquée. Olle Nyman, de la folk sympa mais relativement classique. Et Chris Garneau qui avait visiblement ses fans. Il faut reconnaître qu’il a sa griffe, que ses chansons sont plutôt jolies dans un genre rêveur et mélancolique, mais ce n’est pas trop mon truc. Le fait qu’il m’ait été quasiment impossible de le voir derrière son piano depuis ma place au premier rang n’a pas dû aider à me faire entrer dans l’ambiance.

 

Bilan un peu mitigé en ce qui me concerne pour Jesse Sykes & The Sweet Hereafter. J’ai déjà dit ici à quel point j’ai été chamboulée par l’album Like, love, lust and the open halls of the soul qui a entre autres nourri la nouvelle « Fantômes d’épingles » de mon deuxième recueil et inspiré un autre texte encore inédit, « L’été dans la vallée ». Sur scène, je trouve le groupe plus inégal. Peut-être parce que les arrangements sont moins subtils, la voix étrange de Jesse moins mise en avant, toujours est-il que la sauce ne prend pas de la même façon. J’ai trouvé le concert en dents de scie, avec quand même de très beaux moments – comme une version de Spectral beings accompagnée de cordes, qui retrouvait l’ambiance grave et mystérieuse qui rend la chanson si belle sur disque. Malgré mes réserves, j’ai toujours plaisir à revoir le groupe. Sans compter qu’il planait dans l’air une question en attente dont la réponse m’a été fournie un peu plus tard ce soir-là – j’y reviendrai plus loin.

 

Joseph Arthur, qui passait juste après, m’a soufflée. J’irais jusqu’à dire qu’il a cassé la baraque. Je l’avais vu une fois, mais de loin et dans des conditions particulières comme je l’expliquais récemment : j’étais tombée dans les pommes pendant le set précédent et avais regardé le sien d’un œil distrait. Je me rappelais un grand type au crâne rasé qui jouait en solo une musique globalement très calme. Huit ans plus tard, je retrouve un très grand type à l’allure pas possible, aux cheveux en bataille, entouré d’un groupe et dont les chansons donnent une pêche incroyable. Pour avoir un peu écouté l’album Come to where I’m from sans y accrocher totalement, je savais qu’il s’agissait d’un grand bonhomme – la chanson History, que j’ai beaucoup écoutée en boucle, suffisait à me le prouver. Je ne pensais pas pour autant le voir aussi à l’aise en live. Malgré la configuration assise de la Cigale, j’ai vu des gens danser debout sur les côtés de la scène.


La jolie surprise du festival a été pour moi Clare & The Reasons. J’avais écouté distraitement l’album The Movie sans trop savoir si cette pop aérienne et mélodique me plaisait. Je me suis aperçue pendant le concert que je l’avais mémorisé bien mieux que je ne le croyais – les trois quarts du temps, j’étais toute guillerette de reconnaître les morceaux. Pluto et Rodi en particulier sont entêtantes et jolies comme tout. Clare Muldaur tout de rouge vêtue, avec ses allures de starlette hollywoodienne, est charismatique à souhait. J’ai été frappée par la ressemblance physique entre elle et Shara Worden qui allait lui succéder un peu plus tard. Ça tient peut-être à leur goût pour les coiffures sophistiquées et les tenues recherchées, mais elles partagent en tout cas le sens du spectacle – en plus de partager un groupe sur cette tournée commune.

 

Et My Brightest Diamond… La grâce à l’état pur. Ça ne s’explique pas, ce que fait Shara Worden sur scène, il faut le vivre pour comprendre. J’ai remarqué à plusieurs reprises une connivence entre les gens qui ont vu et aimé ses concerts, comme une étincelle dans le regard. On sait qu’on a vécu quelque chose de magnifique qu’on est incapable d’expliquer, mais on sait aussi que la personne qu’on a en face comprend. On sait qu’on est en admiration béate devant ce minuscule bout de femme gentiment allumé. Une petite fée espiègle au sourire irrésistible et dont la voix prend une ampleur impressionnante en concert. Elle est heureuse d’être là. Sa joie est contagieuse, même lorsqu’elle ne dit rien – je l’ai trouvée beaucoup moins bavarde que lors du concert solo vu au Point FMR en avril, un des très grands moments de l’année pour moi. Elle joue une musique belle et grave qui se teinte de légèreté quand elle l’interprète sur scène. J’ai trouvé Dragonfly toujours aussi magnifique, j’ai adoré entendre en live Black and costaud, un morceau assez ludique dont les paroles en franglais sont tirées de L’enfant et les sortilèges. Et je ne peux plus entendre Apples sans l’imaginer en train de grimper dans un arbre (pour ceux qui n’ont pas suivi, l’explication en images ici).

 


Avant le concert, j’ai croisé Shara au stand de marchandises en train d’accrocher des T-shirts et d’installer tout un attirail comprenant deux chevaux en peluche. Je suis allée timidement la saluer en lui rappelant qu’on s’était croisées en avril pour filmer une session acoustique. Je suis restée quelques secondes comme une idiote sans arriver à lui dire à quel point ce qu’elle fait est magique, à quel point on sort de ses concerts en extase, tout juste capable d’aligner trois phrases et d’échanger quelques sourires. Mais on ne peut rien dire face à Shara Worden. On se contente de l’admirer.

 

Pour les Parisiens que ça intéresserait, My Brightest Diamond sera en Black Session mardi à la Maison de la radio. Les inscriptions sont encore ouvertes sur le site à l’heure où j’écris, et sinon, il y a souvent moyen d’assister aux Black Sessions en se faisant inscrire sur liste d’attente une fois sur place. Franchement, si vous avez l’occasion, n’hésitez pas : il faut voir ça au moins une fois.

 


Et l’épilogue de Fargo All Stars, ce mercredi. Il y avait un moment que j’espérais organiser une session Cargo avec Jesse Sykes mais la première tentative, en mai, avait échoué : Jesse était partante mais n’avait pas le temps. J’espérais que la deuxième serait la bonne. La demande était en attente et j’ai compris qu’il allait se passer quelque chose de chouette quand je suis allée parler à Jesse après son concert lundi soir. On échange quelques mots sur des histoires d’emploi du temps et voilà qu’elle me lance, tout enthousiaste : « We should do this in the graveyard ! » Petit moment de flottement. Je comprends quelques minutes plus tard que son hôtel se situe près du Père-Lachaise et que l’endroit la fascine.

 

La suite ? Elle sera sur vos écrans dans quelque temps.


 

Je dirai juste qu’on a vécu un moment irréel en plein milieu du Père-Lachaise, que ça devrait donner une jolie session, que c’était un bonheur de croiser Jesse dans des circonstances moins speed que d’habitude, de discuter avec elle et de la photographier à la lumière du jour. Elle est souvent très mal éclairée en concert, ce qui est dommage dans la mesure où elle est particulièrement photogénique. C’est cool, d’avoir un webzine musical comme jouet. C’est chouette de pouvoir balader une chanteuse qu’on aime bien dans les allées du Père-Lachaise et de l’écouter chanter pour trois pékins au milieu des tombes.

 

Tournons la page musicale pour parler écriture, salons et parutions. Prochain déplacement ce week-end, pour ma dernière grande expédition Bragelonne avant un moment : je serai au Mans pour la 25ème Heure du Livre, avec aussi Laurent Genefort, Ange et Adriana Lorusso. Pendant ce temps, à Paris, se tiendra le Salon de la revue, où sera présenté le premier numéro d’une revue baptisée Et donc, à la fin consacrée au fantastique et au sommaire de laquelle figure une de mes nouvelles, « Le jardin des silences ». Je sais que la revue sera disponible par correspondance sur un site encore en cours de construction et qu’il est possible également de la commander aux coordonnées données sur cette page. J’en reparlerai quand j’aurai plus de détails.

 

Ça me laisse deux jours pour redescendre sur terre. Certaines semaines où j’enchaîne les concerts, je me fais l’effet d’un ballon à l’hélium collé au plafond. Je crains que ça ne fasse que commencer.

 

 

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Des séries Z et des mariachis


On me signale une exposition qui pourrait intéresser les Nancéens et dont le vernissage a lieu ce vendredi 3 octobre à 18h30. Ceux qui sont allés aux Imaginales d’Epinal en mai dernier se rappelleront sans doute l’exposition de Dylan Pelot, qui présentait des affiches et photos tirées de son projet de fausse encyclopédie des films Z. L’année précédente, toujours pendant les Imaginales, Dylan avait embrigadé pas mal d’auteurs, éditeurs ou illustrateurs pour les grimer en personnages de séries Z et les photographier dans le Lavoir théâtre où il avait entreposé tout un tas de costumes et d’accessoires. J’ai posé en Viking avec le casque, la hache et la perruque rousse pour Night of the viking dead. Parmi les autres films notoires au sommaire de l’encyclopédie : L’île du docteur Morteau (avec Pierre Pelot déguisé en bouseux brandissant un fusil), La machine à voyager dans le thon (avec Pierre Bordage en capitaine de vaisseau), Les dents de Mémère, Les canons de la patronne et autres La revanche des moines trappistes de Shaolin-sur-Moselle. Vous imaginez le résultat. L’expo se tiendra donc du 3 au 24 octobre à la MJC Bazin de Nancy. Si j’étais dans le coin, j’irais y faire un tour sans hésiter, histoire de piquer les mêmes fous rires que devant les photos exposées à Epinal.


Et comme je parlais de Giant Sand récemment, j’ai eu envie de poster cette fois des vidéos de Calexico. Pour ceux qui se demandent quel est le lien, Joey Burns et John Convertino ont été un temps la section rythmique du groupe de Howe Gelb. Je les ai d’ailleurs vus une fois sur scène à un concert de Giant Sand, où ils m’avaient bluffée en s’alignant sans aucun problème sur les improvisations d’un Howe Gelb en roue libre. J’appréhende un peu le concert du 14 octobre à la Cigale, en même que je suis impatiente de revoir sur scène ce groupe que je suis depuis dix ans et de contempler le jeu de batterie d’un John Convertino à la gestuelle fascinante, qui donne l’impression de ne jamais faire deux fois les mêmes mouvements – cet homme a la classe absolue. Quand je dis que j’appréhende, c’est seulement que je suis restée sur une impression mitigée lors de leur dernier passage au Bataclan. C’était la première fois que je les voyais rompre l’équilibre magique sur lequel a toujours reposé la magie de leurs concerts, et qu’illustrent les deux vidéos suivantes.


Côté pile, les sonorités « tex mex » sublimées par les cuivres qu’ils ont imposé sur le splendide album The black light (dont est tiré cet extrait, Minas de cobre) :


 


Côté face, une musique en demi-teinte, plus lente, quasi hypnotique par moments – comme sur Fade, le titre le plus jazzy de leur répertoire et sans doute un de leurs plus beaux morceaux :


 


Au Bataclan, pour la première fois, j’avais eu l’impression de les voir privilégier le côté hispanisant au détriment du reste, moins par envie que parce que le public le leur réclamait. Dans la mesure où cette tournée accompagnait l’album Garden ruin où ils renonçaient enfin à ces sonorités qui commençaient à virer à la formule, ça m’avait déçue de leur part. Comme s’ils tentaient quelque chose de courageux sur disque pour faire ensuite marche arrière sur scène. Ce n’est sans doute pas un hasard si les deux morceaux qui m’avaient vraiment prise aux tripes appartenaient à leur veine plus mélancolique : Sonic wind et All systems red.

 

C’est vrai que The black light était un album formidable, qui a tourné en boucle chez moi pendant tout l’été 2008. C’est vrai aussi que cette réussite a été à double tranchant, en imposant un son très particulier dont le groupe peine depuis à se détacher. C’est en tout cas une impression personnelle que tout le monde ne partage pas. Mais je trouve qu’à l’exception du répertoire de The black light, la plupart de leurs tentatives pour intégrer ces sonorités hispanisantes sonnent faux, même si ça donne des chansons efficaces. Sur les albums suivants, je préfère nettement le Calexico rêveur et doux-amer de Fade, Black heart (la merveille des merveilles), Sonic wind, Woven birds ou encore du sublime All systems red au crescendo intense. J’ai l’impression que c’est en creusant cette veine-là que Calexico a désormais le plus à nous offrir.

 

À la Cigale, j’aimerais retrouver l’euphorie de ce concert de septembre 2000 au Trabendo qui reste un des plus jubilatoires que j’aie jamais vécus. Celui où on les avait vus pour la première fois, totalement sidérés, amener sur scène leurs potes les mariachis Luz de Luna. Il fallait oser, mais ça avait marché, et on s’était laissés gagner par la bonne humeur contagieuse de ces mariachis en sombrero. C’était la première fois aussi que j’avais connu la transe irrésistible que fait naître The crystal frontier jouée en fin de concert. C’était physique et jouissif au possible. J’étais entrée dans la salle pas très en forme, j’en étais sortie sur un nuage avec un sourire jusqu’aux oreilles. J’espère vraiment retrouver ça.

 

En attendant, c’est la semaine prochaine qu’a lieu le festival Fargo All Stars à la programmation alléchante (disponible ici). J’assisterai aux deux soirées qui se déroulent à la Cigale. Lundi : Jesse Sykes & The Sweet Hereafter, Joseph Arthur, Olle Nyman. Mardi : Clare & The Reasons, Chris Garneau, My Brightest Diamond. Je suis ravie de revoir Jesse Sykes dont la voix me fascine toujours autant, bien que je la sache assez inégale sur scène. Et aussi de découvrir Joseph Arthur – je l’ai vu en 2000 au Festival des Inrocks mais ça ne compte pas vraiment, vu que je m’étais fait évacuer de la fosse après être tombée dans les pommes pendant le set de Sigur Ros, donc j’avais regardé la suite de loin. Et surtout, je suis toute impatiente de revoir Shara Worden, le petit lutin facétieux de My Brightest Diamond. Une vidéo, juste pour le plaisir :

 

 

J’aime particulièrement le speech de présentation, on avait eu droit au même lors de son fabuleux concert d’avril dernier au Point FMR. Elle y avait mimé de la même façon la théière en forme de boxeur (cette chanson reprend le texte d’un passage de L’enfant et les sortilèges de Ravel, d’où ces paroles bizarres en franglais).

 

Oui, j’espère pouvoir prendre des photos de tout ça, pourquoi cette question ?

 

 

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