Nous sommes aujourd’hui le 31 août et ça commence à sentir sérieusement la rentrée. C’est curieux comme ça reste une période-clé même quand on est entré depuis un bail dans la vie active, qu’on travaille en indépendant et qu’on a l’impression de ne pas vivre selon le même temps que la majorité des gens (exemple tout bête, j’ai une certaine tendance oublier les jours fériés). Je vois toujours arriver septembre avec un mélange de nostalgie – l’impression de ne pas avoir profité d’un été que j’avais pourtant attendu impatiemment – et de soulagement à l’idée de sortir de cette période où pas mal de gens sont partis et où beaucoup de choses sont en pause. Cette année, j’ai l’impression de me traîner sans savoir si c’est cette ambiance de fin de vacances qui me pèse ou si je n’ai pas fini de récupérer de mon mois de juillet assez crevant. En matière de grosse flemme, je bats des records ces jours-ci. Du coup, je ne sais pas si j’appréhende les deux mois à venir ou si je m’en réjouis (je sais, je suis compliquée). Les amis sont rentrés, je suis retournée traîner chez Scylla pour la première fois depuis un bail, je reprends les salons dans trois semaines et les concerts peu de temps après. J’espère juste que le rythme sera un peu moins soutenu qu’au printemps et en début d’été, j’étais vraiment à plat fin juillet.
Les salons, donc. Mon planning des mois à venir ressemble pour l’instant à ça :
20 et 21/09 : Le Livre sur la Place, Nancy
27 et 28/09 : Festival de Liévin (http://www.salondulivrelievin.fr/2008/)
04/10 : Peut-être un petit quelque chose à Paris, à confirmer
11 et 12/10 : 25ème heure du Livre, Le Mans
18/10 : Signature en librairie à Reims, détails à venir
08 et 09/11 : Un autre salon normalement, à confirmer
13/12 : Salon de Sèvres
Je passerai sans doute aussi aux Utopiales de Nantes (d’autant qu’il se peut qu’y soit présenté un projet intéressant qui me concerne en partie, j’en reparlerai si ça se confirme). Pour le 18 octobre à Reims, il s’agit d’une signature organisée avec un autre camarade auteur, suivie d’une soirée qui comporterait notamment une lecture d’extraits de nouvelles. Tout ça reste à confirmer, mais j’ai commencé à farfouiller dans mes recueils à la recherche d’extraits qui passeraient bien à haute voix et qui peuvent être lus hors contexte. Je me suis entraînée pour l’instant sur des passages de « Villa Rosalie » et de « La cité travestie ». J’aimerais bien tenter « Nous reprendre à la route » mais les extraits les plus intéressants se situent vers la fin du texte, ce qui les rend plus difficiles à isoler. À propose de « Nous reprendre à la route », elle vient de paraître en anglais dans la revue Black Static, sous le titre « Back on the road ».
Côté écriture, les choses continuent à avancer tout doucement. En juillet, j’écrivais dans une entrée consacrée aux Dresden Dolls : « The Gardener m’obsède en ce moment comme le font les chansons qui finissent tôt ou tard par m’inspirer des nouvelles ». Deux mois et quelques dizaines d’écoutes de The Gardener plus tard, la nouvelle en question est écrite, elle s’appelle « Dragon caché », a été rédigée la semaine dernière et se trouve actuellement en cours de beta-lecture. Compte tenu de mon emploi du temps chargé de ces derniers mois, ça me sidère moi-même d’avoir réussi à enchaîner plusieurs textes que je m’étais engagée à écrire.
Tant que j’en suis à parler de planning de rentrée, je transmets celui de la librairie Scylla mentionnée ci-dessus (8 rue Riesener, 75012 Paris, métro Montgallet) où j’aime bien aller traîner de temps en temps entre deux pages de traduction. Pas mal de signatures prévues dans les semaines à venir :
15/09 à partir de 18h30 : Catherine Dufour pour son recueil L’accroissement mathématique du plaisir (Le Bélial)
19/09 à partir de 18h : Premier non-anniversaire de la librairie Ys, Clément Bourgoin apportera une sélection de livres en VO qu’il vendra pendant que les autres boiront un verre (si si, c’est annoncé dans le programme).
27/09 de 17h à 20h : Stephen Baxter précédé de 14h à 16h par l’illustrateur Alain Brion
18/10 à partir de 17h : Serge Lehman pour le recueil Le Haut-lieu (Denoël)
28/11 à partir de 17h : Christopher Priest pour Le Glamour (Denoël)
20/12 à partir de 17h : Jeanne-A. Debats pour La vieille anglaise et le continent (Griffe d’encre)
Et en préparation : Francis Berthelot, China Miéville et Lucius Shepard.
D’ailleurs, l’annonce de la venue de Christopher Priest me permet une habile transition pour parler cinéma, puisque c’était de son roman Le Prestige qu’était adapté le film du même nom de Christopher Nolan, dont je suis allée voir The Dark Knight qui était précédé d’une réputation alléchante. Le Prestige m’avait un peu laissée sur ma faim, sans doute parce que j’avais du mal à me détacher du roman, dont le film s’éloignait parfois un peu trop à mon goût. The Dark Knight, en revanche, a été une grosse claque. Ça doit être la première fois de ma vie que j’ai les larmes aux yeux à la fin d’un Batman (je sais, ça surprend). On a beaucoup écrit sur l’interprétation hallucinée que fait Heath Ledger du Joker, mais j’avoue avoir moins été impressionnée par son jeu (excellent, je précise) que par le rôle quasi symbolique du Joker dans le film. J’ai adoré la façon dont il se définit lui-même comme « agent du chaos » : un type sans nom, sans histoire, presque une abstraction, qui pousse si loin la folie et se détache à tel point des règles humaines que rien n’a de prise sur lui. Le chaos incarné, pour ainsi dire, qui ne commet pas le mal par vengeance ou parce qu’il a souffert mais simplement par jeu, et parce qu’il se pose ainsi en reflet inversé d’un Batman prisonnier de son obéissance aux règles. Le film y gagne une dimension sombre et tragique qui m’a fait forte impression. Je crois qu’avec le deuxième Tim Burton, c’est le Batman qui m’aura le plus marquée. D’autant que j’aime assez l’interprétation de Christian Bale (je n’étais pas convaincue par Michael Keaton que je préfère mille fois en Beetlejuice, j’ai un souvenir très flou de Val Kilmer et je n’ai pas vu la version de George Clooney).
Et pour conclure cette dernière entrée d’août sur une note musicale, un clip dont j’aime beaucoup l’ambiance onirique. Je reprends normalement les concerts début octobre avec le festival Fargo All Stars à la Cigale et je suis impatiente d’y revoir My Brightest Diamond. Shara Worden est mimi tout plein, gentiment allumée, elle a une voix superbe, un sacré charisme et un lien fort avec le public. Je garde un souvenir ému de son concert intense et magique au Point FMR en avril dernier. D’ailleurs, vous voyez le chapeau bleu en carton sur la photo de Cthulhu qui illustre mon blog ? C’est un de ceux que Shara distribuait ce soir-là, comme elle fêtait son anniversaire, et je le lui ai fait signer après le concert (d’autres personnes lui faisaient signer les ballons en forme de flamant rose qui décoraient la scène). My Brightest Diamond, c’est très chouette à écouter sur disque, mais c’est surtout à voir sur scène.






L’un des (nombreux) avantages que présente mon quartier, c’est la proximité de Bastille et de ses trois cinémas. J’avais des envies de ciné, The Dark Knight ne sort que mercredi, je n’arrivais pas à trancher entre deux films et j’ai donc décidé sur un coup de tête de m’accorder une double séance, ce que je n’avais pas fait depuis une éternité. Ça m’a rappelé l’époque où je squattais les Arcades de Dunkerque dès 11h du matin pendant la Fête du cinéma (il faut savoir qu’entre 16 et 20 ans, j’étais très geek, j’avais très peu d’amis et je m’emmerdais beaucoup à Dunkerque).
C’est toujours bizarre, le mois d’août à Paris, surtout quand tout le monde est parti en vacances. Déjà que j’ai une très nette tendance cyclothymique ascendant introspective, cette période n’arrange pas les choses. Je suis rentrée chez moi hier et j’ai hâte de repartir mercredi passer quelques jours dans le Tarn. Je tourne un peu en rond, même si j’ai eu la chance de pouvoir voir coup sur coup deux amies pas recroisées depuis un bail (l’une parce qu’on s’était perdues de vues un moment, l’autre parce qu’elle a déménagé il y a quelques années).
À part ça, bilan de la semaine garantie 100% sans boulot. Je n’ai pas tout à fait lu ni glandé autant que j’aurais voulu (même si j’ai enfin réussi à finir le Firestarter de Stephen King), et j’ai redécouvert les joies des grosses insomnies qui vous tombent dessus la première nuit où vous pouvez rattraper le sommeil en retard accumulé depuis des semaines – heureusement, j’ai bien récupéré ensuite. Après le séjour à Gand dont j’ai déjà parlé ici, une balade au Touquet pour admirer une expo de sculptures sur sable assez bluffante (la preuve en images), marcher dans le sable et choper le premier et seul coup de soleil de la semaine, puisque c’était le seul jour de beau temps. Et les traducteurs, c’est comme les plantes, ça a besoin de soleil pour s’épanouir. J’ai fini la saison 2 de Desperate Houseviwes que j’avais reçue pour mon anniversaire en novembre dernier (il était temps), fait tourner en boucle le DVD des Dresden Dolls que je n’avais pas encore eu le temps de regarder (surtout une inédite intitulée Pierre qui prend la forme d’un dialogue assez rigolo), feuilleté un ou deux Astérix et globalement pas vu passer le temps.
Quand mes parents ont lancé l’idée d’une balade en Belgique, à choisir entre Bruges et Gand, je n’ai pas hésité longtemps. D’abord parce que je n’étais jamais allée à Gand, contrairement à Bruges que j’ai déjà visitée plusieurs fois (j’étais même allée y voir un concert de John Parish dans un cinéma en 1999 – longue histoire). Ensuite parce que j’avais une certaine curiosité par rapport à cette ville, qui tient moins à la ville elle-même qu’à un livre dont elle est pour moi indissociable. Je n’espérais pas réellement tomber sur la rue où Jean Ray situe l’action de Malpertuis (je ne sais même pas si cette « rue du Vieux-Chantier » existe) mais j’y pensais forcément. Evidemment, comme on s’en est tenus aux coins les plus touristiques (le quai aux Herbes, la cathédrale Saint-Bavon où est exposé L’agneau mystique de Van Eyck), je n’ai rien vu qui ressemble aux « vieilles rues pleines d’un hautain ennui, rebelles à tous les efforts tentés pour les animer de lumière et de mouvement » décrites par Jean Ray. Pas plus que je n’ai croisé de maison qui paraisse, comme Malpertuis, « [suer] la morgue de ceux qui l’habitent et la terreur de ceux qui la frôlent« . Mais c’était amusant de me dire que la maison où se déchirent les héritiers de l’oncle Cassave était là, quelque part, dans cette ville.
En feuilletant le roman pendant le trajet en voiture, je me suis de nouveau retrouvée happée par l’un de mes chapitres préférés, celui où Jean Ray présente les lieux, les personnages et pose la situation de départ : la visite familiale à l’oncle Cassave en train d’agoniser et la lecture de son testament. C’est presque un modèle de chapitre d’ouverture de roman fantastique : l’ambiance y est mise en place avec un sens du détail qui fait mouche, les personnages aux noms étranges sont tous plus vivants les uns que les autres, entre le vieil oncle mourant qui tire les ficelles, Charles Dideloo, le petit fonctionnaire grotesque, Nancy, la soeur sexy du narrateur qui ne s’en laisse pas conter, la sublime cousine Euryale aux cheveux flamboyants et aux yeux verts toujours baissés, les trois soeurs Cormélon aux allures de vieilles pies… L’ambiance pesante et glaciale de cette vieille maison flamande est quasiment palpable, et on croirait presque y sentir l’odeur des gaufres que prépare la vieille bonne Elodie dans ce premier chapitre (« et le fin parfum du beurre additionné de sucre et de cannelle« ). Je ne sais pas pourquoi cette image des gaufres m’a marquée, si ce n’est que j’y associe une phrase qui m’est restée longtemps après lecture du roman : « Nancy fait sa froufroutante apparition dans la cuisine ; elle n’aime pas les gaufres et leur préfère les crêpes qu’elle déchire de ses cruelles dents blanches comme des morceaux de peau brûlante« . Et puis, au milieu de cette abdondance de détails qui donnent substance et atmosphère à la maison, Jean Ray introduit de manière subtile les premiers éléments d’étrangeté.
Je pourrais parcourir sans fin ce livre à la recherche de passages où chaque phrase frôle la perfection et les relire à haute voix pour le plaisir. Ou me replonger dans les moments forts du roman dont certains m’ont laissé une impression tenace, comme l’image de Mathias Krook qu’on retrouve mort avec la tête clouée au mur et qui continue à chanter le Cantique des cantiques. Ou cette autre image, l’une des plus belles du roman : Lampernisse, l’homme de la boutique de couleurs, qui livre un combat dérisoire et sans fin contre l’ombre qui éteint les lampes qu’il passe son temps à rallumer. Personnage grotesque et tragique à la fois, que les autres prennent pour un fou mais qui est le seul occupant de Malpertuis à faire preuve de lucidité. Le seul à comprendre parfois leur nature à tous. Et quand le lecteur comprend à son tour ce dont Lampernisse se souvenait parfois, l’image devient vertigineuse. J’ai tenté de lire d’autres livres de Jean Ray, des recueils de nouvelles, sans vraiment accrocher ; mais Malpertuis reste l’un des romans fantastiques les plus forts et les plus fascinants que je connaisse.