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“J’ai appris à ne pas rire du démon” (Arno Bertina)

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Profitant d’un regain d’intérêt pour la lecture que j’avais sérieusement délaissée ces derniers temps, j’exhume de l’étagère où il prenait la poussière ce roman d’une appréciable brièveté (150 pages) acheté sur les conseils de l’excellente librairie Charybde dont l’un des piliers (il se reconnaîtra) partage mon goût pour la musique, l’histoire du rock et ses figures légendaires. Ici, rien moins que Johnny Cash, saisi à trois périodes de sa vie et de sa carrière, à travers le regard de trois personnages différents.

De la première partie, racontée par un vendeur de Bibles croisant un « John R. Cash » encore inconnu, je ne pourrai pas dire grand-chose car elle m’a semblé si anecdotique que je n’en ai quasiment rien retenu. La deuxième m’est apparue comme beaucoup plus touchante. Le narrateur est ici un policier, grand fan de Johnny Cash, qui se retrouve une nuit chargé de le surveiller à son arrivée en prison. Mais c’est un homme en triste état qu’il découvre face à lui, un camé visiblement en manque chez qui il reconnaît à peine son idole. « Aux États-Unis, » ironise ce dernier sans se rendre compte qu’il radote, « plus de docteurs ont entendu, en décrochant leur téléphone, « Hello I’m Johnny Cash », que de fans lors des concerts. »

La troisième et dernière partie est celle qui donne tout son sel au roman – en tout cas pour ceux qui, comme moi, s’intéressent finalement plus à la musique elle-même. Il s’agit d’un monologue du producteur Rick Rubin, au moment où il s’apprête à travailler avec Johnny Cash sur une série d’albums dont ils savent tous deux que ce seront les derniers, car la mort approche. Exaspéré par ce qu’est devenu le personnage, englué dans les faux-semblants et les bondieuseries, il cherche à réveiller chez lui une forme de violence et d’âpreté perdues avec le temps, le confronte à d’autres figures célèbres que Cash ne connaît pas (Nick Cave, Joe Strummer) et lui promet que ses plus beaux albums sont encore à venir.

Cette partie-là, contrairement aux autres, égrène les références et les citations, de Bob Dylan à Will Oldham – dont Johnny Cash enregistra une reprise, « I See a Darkness », que j’avoue trouver infiniment plus bouleversante que l’original, peut-être par ce que la voix crépusculaire d’un homme au bord de la tombe lui insuffle de profondeur et d’émotion. C’est cette facette de Johnny Cash que la troisième partie donne à voir, et des souvenirs ou impressions d’écoute se superposent forcément à la lecture. Le monologue est nerveux, habité, porté par l’urgence de la situation, et l’on s’interroge constamment sur la part de réel et de fiction, sur cette voix dont on ne sait plus très bien si elle est celle de Rick Rubin ou d’Arno Bertina. Le texte n’est pas exempt de tics d’écriture (ces bouts de phrase en anglais qui sonnent parfois un peu faux), ni d’une certaine vision du rock qui frôle parfois le cliché (cette volonté de réveiller les démons, de refuser de croire à la rédemption perçue comme bondieusarde). Et si le roman m’a semblé déséquilibré dans ses trois parties, cette troisième et dernière se révèle un superbe hommage : à la musique, à un homme légendaire et un peu grotesque à la fois, comme tout un chacun, à l’acte de création lui-même. Un hommage qui donne une furieuse envie de se plonger ou replonger dans ces derniers albums. Car ce que décrit Arno Bertina, ce que Rick Rubin cherche à réveiller une dernière fois, c’est bel et bien le fantôme qu’on y entend.

Bonus track : note de lecture sur le blog de Charybde 27.

 

 

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Dans la zone

Un mois d’août où l’on regarde passer l’été des autres sur le Net, une photo de plage après l’autre, et où l’on se surprend à rouvrir les yeux sur sa ville et son quartier. On rentre d’un concert un soir, on longe ce coin de rail qu’on se promet chaque fois de revenir prendre en photo, on repasse muni de l’appareil qui prenait la poussière et l’on tente une fois de plus de capturer l’esprit insaisissable du quartier : un détail à la fois, toujours en vain. Un mur graffité en particulier, immuable et pourtant jamais identique d’un mois sur l’autre. Ce n’est pas qu’un dessin en particulier fascine, c’est leur succession, leur flux constant. C’est au mouvement des dessins sur les murs qu’on voit le mieux vivre ce quartier. M. Chat y fait parfois lui-même des apparitions furtives.

Au retour, on croisera un volatile de carton échoué, comme un présage d’on ne sait trop quoi. Une chanson accompagne la prise de ces photos comme elle a accompagné une partie de cet été, elle nous parle confusément de cette envie-là, d’une autre quête dans une autre zone urbaine, on l’entendait quelques heures plus tôt lors de ce concert. L’esprit du quartier nous a encore échappé, mais la boucle est bouclée.

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Le bénéfice du doute

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La réflexion récente sur l’interdiction faite aux artistes de s’arrêter m’est revenue de manière assez inattendue, suite à divers échanges autour de lannulation de concerts de Björk, puis de l’explication tardive donnée par cette dernière. Et surtout, suite à un gros malaise devant l’accumulation de remarques cinglantes sur ce « prétexte absurde », ce « caprice de star » et autres commentaires beaucoup plus virulents. J’ai trouvé parlant que les premières voix à s’élever pour exprimer ce malaise proviennent de personnes qui sont elles-mêmes musiciennes, sans doute les plus à même de comprendre de l’intérieur l’expérience de la scène et de la sortie d’un album, ce que ça implique concrètement, ce que ça apporte de gratifiant mais aussi ce que ça peut coûter en énergie, et la vulnérabilité qui peut en résulter.

La question n’est même pas de savoir si les explications mises en avant sont plausibles ou pas (un album qui a « sa propre vie » plus que les autres, des chansons épuisantes émotionnellement – rien qui me paraisse impensable). La question ne devrait même pas être là. Caprice de star ? Peut-être. On n’en sait rien. Aucun d’entre nous ne dispose d’autres éléments que ce communiqué de quelques lignes. Mais je ne suis pas la seule, en lisant ces explications, à avoir pensé qu’elles pouvaient émaner de quelqu’un qui avait trop tiré sur la corde et le comprenait trop tard – ces choses-là vous tombent toujours dessus sans prévenir. On se trompe peut-être, ou peut-être pas, et on n’en saura rien.

La question qui me travaille est plutôt la suivante : d’où vient cette violence qu’on met à critiquer les artistes, surtout les plus connus, dès qu’ils font mine de sortir du rang ? Et surtout, pourquoi cette impression d’y être autorisés, comme s’ils étaient des pantins créés pour nous distraire plutôt que des personnes ordinaires que le talent, la chance ou le travail ont fait sortir de l’anonymat ? En quoi seraient-ils assez différents de nous pour que l’idée de leur accorder le bénéfice du doute ne nous effleure jamais, sans parler de se demander comment ils réagiront à ce déferlement de critiques plus ou moins haineuses ? Parce qu’ils les verront, forcément, et ça m’étonnerait beaucoup qu’ils n’en soient pas atteints.

L’une des artistes à avoir exprimé une voix contraire sur le sujet soulignait très justement ce paradoxe : on demande aux artistes d’être vulnérables, de mettre leurs tripes dans leur création, d’écrire ou de composer à partir de leurs failles, de leurs souffrances ; puis on leur demande d’être des machines, de ne jamais fatiguer, de ne jamais faiblir, d’être constamment au service du public et de ne jamais rien dire qui puisse se retourner contre eux. La moindre erreur de jugement, la moindre phrase maladroite, sont disséquées, répétées, moquées, caricaturées. D’où vient ce paradoxe qui fait qu’on envie leur existence, qu’on les vénère, mais qu’on leur saute violemment à la gorge au moindre prétexte – sans faire mine de se rappeler qu’ils sont exactement comme nous ? Même pour des artistes de moindre envergure, la tendance de certains à focaliser sur leurs erreurs, à les fustiger pour le moindre raté, sans se demander s’ils n’avaient pas de raisons d’être  « à côté » ce jour-là, ni même s’ils n’ont pas le droit d’avoir des « jours sans » comme tout un chacun, me met de plus en plus mal à l’aise.

Depuis l’annonce de Björk, je ne peux pas m’empêcher de me rappeler les réactions similaires suscitées autrefois par Amy Winehouse : les ricanements quand elle annulait ses concerts, la façon dont les gens la traitaient d’alcoolique irresponsable pas foutue de tenir un engagement. Plus personne n’ose en rire depuis sa mort, depuis qu’on comprend mieux la fragilité qui était la sienne et le contexte plus global de sa vie. Je ne sais pas s’il y a là une forme d’hypocrisie ou de schizophrénie, mais je trouve glaçant qu’on soit toujours plus prompts à se moquer qu’à chercher à comprendre.

C’est sans doute humain de refuser de croire que « l’autre » soit strictement comme nous. On se persuade toujours qu’il est mieux loti, même quand il partage nos problèmes. Il y a encore quelques mois, quand le burn-out dont j’ai déjà parlé m’est tombé dessus, j’ai d’abord eu le réflexe d’envier ceux qui n’étaient pas indépendants et dont la situation paraissait, dans ce genre de cas, moins précaire que la mienne. Et puis j’ai reçu des témoignages d’autres personnes passées par là, assez nombreuses pour que c’en soit effrayant – je ne me rendais pas compte qu’il y avait encore à notre époque un tabou aussi fort autour de l’épuisement total, du burn-out, de la dépression, quel que soit le nom qu’on lui donne, au point que certains gardent le silence, n’osent pas en parler à leur entourage professionnel ou familial. J’ai reçu des points de vue différents, émanant aussi bien d’autres indépendants que de connaissances qui étaient profs ou cadres en entreprise, et j’ai compris que ça n’était pas moins difficile pour eux ; ça l’était d’une manière différente qui ne m’était pas imaginable hors contexte.

C’est ce qu’on devrait toujours garder en tête avant d’émettre un jugement sur une situation dont on ne perçoit que certains aspects de surface. Que ce soit un ami proche, un collègue de boulot ou une vedette qu’on ne connaît qu’à travers un écran, tout le monde devrait avoir droit au bénéfice du doute, à cette indulgence de principe. Comme le disait très justement la scène finale de La Discrète il y a déjà longtemps : « Quand on regarde quelqu’un, on n’en voit que la moitié. » Se rappeler qu’on ne sait rien, ou si peu, pas assez en tout cas pour se prononcer, devrait être un réflexe.

 

Edit : Après être remontée à la source, il semblerait que l’article dont tout est parti ait surinterprété voire déformé les propos de Björk par rapport à cet album et à sa tournée. Ce qui éclaire peut-être certains aspects sous un jour nouveau (il n’y a pas eu d’« explication officielle » en tant que telle, et personne n’a vérifié ni rectifié en partageant l’info), mais ne change rien au malaise dont je fais part ici face aux réactions suscitées. Je tenais toutefois à apporter cette précision, et je vous renvoie à cet article qui résume très bien la situation.

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Gabriel Knight ou l’histoire secrète du vaudou

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L’un des grands drames de ma vie de gameuse aura été de n’avoir pas joué, ou si peu, lors d’une partie des années 90 qui s’avère avec le recul extrêmement féconde pour le type de jeu qui me parle le plus. L’une de mes grandes joies aura logiquement été de découvrir ensuite qu’il n’était pas trop tard pour combler certains manques, que ce soit à travers le retrogaming (qui me permit récemment de mourir à répétition dans Alone in the Dark), la compatibilité de vieux jeux avec les machines actuelles (qui me permit de tomber dans Silent Hill pour n’en jamais ressortir), l’existence d’un site comme gog.com (qui me permit de perdre quelques soirées récentes dans le Populous de mon adolescence) ou la remasterisation de certains classiques.

J’entretenais déjà une vague curiosité pour la série des Gabriel Knight, incontournable du point & click fantastique, avant de me rendre compte que le premier volet se situait à La Nouvelle-Orléans et tournait autour du vaudou. Deux raisons pour lesquelles je ne pouvais pas faire l’impasse sur ce jeu, d’autant qu’il était ressorti il y a quelques années dans une version anniversaire modernisée avec grand soin.

Gabriel Knight est un écrivain et libraire installé à Bourbon Street, beau gosse un peu futile, séducteur pas toujours subtil, qui collabore avec la police sous couvert de recherches pour un prochain roman et se retrouve à enquêter sur une série de meurtres évoquant des sacrifices vaudous. Enquête qui lui fera parcourir La Nouvelle-Orléans, avec un détour par l’Allemagne et le Bénin, pour rencontrer une galerie de personnages solidement campés et tomber amoureux de la riche et belle Malia Gedde, issue d’une éminente famille de la ville dont l’histoire se révèlera intimement liée, comme celle de Gabriel, à l’enquête en cours.

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Si le scénario n’évite pas quelques clichés (l’histoire familiale de Gabriel est un peu trop classique), et si la relation entre Gabriel et Malia aurait gagné à être approfondie pour que la dernière partie du jeu prenne toute sa mesure, on se laisse très vite embarquer par un scénario riche et prenant, une réalisation soignée et un background vraiment fouillé. L’ambiance de La Nouvelle-Orléans est joliment rendue ; le jeu parcourt un certain nombre de lieux emblématiques de la ville (Jackson Square, le lac Pontchartrain, le cimetière Saint-Louis et la tombe de la prêtresse vaudou Marie Laveau) avec une vraie attention aux détails, comme ces poteaux coiffés de têtes de chevaux qui bordent les rues du Quartier français dans l’un des tableaux. C’est d’ailleurs un peu déroutant au départ, quand on a visité certains de ces lieux, de les redécouvrir sous forme de graphismes.

Les personnages sont particulièrement réussis, tous très typés, avec des dialogues savoureux, et possèdent chacun son propre rapport à la ville, à son histoire, aux événements en cours. On s’attarde avec plaisir à explorer toutes les options de dialogue lors de chaque rencontre, moins pour faire avancer l’enquête que pour apprendre un peu mieux leur histoire. Ainsi, chacun a une approche différente du vaudou, depuis l’universitaire spécialisé dans les religions africaines jusqu’au conservateur de musée, en passant par le commerçant taciturne qui nie catégoriquement que ses plantes et gris-gris aient le moindre lien avec ces pratiques. Selon la personne qu’on interroge, Marie Laveau sera par exemple décrite comme une figure centrale de l’histoire de la ville ou un « attrape-touriste » qui ne sert qu’à masquer une réalité secrète. Le jeu possède un petit côté « Le vaudou pour les nuls » très agréable pour qui s’intéresse un tant soit peu au sujet, et passe en revue aussi bien ses origines historiques que la nature des rituels ou le nom des différents loas (l’enquête tournant beaucoup autour de deux d’entre eux, Damballah et Ogoun Badagris). L’humour pince-sans-rire et souvent très drôle de la voix qui commente les actions de Gabriel contribue également beaucoup à l’ambiance du jeu.

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Le jeu a également le bon goût de proposer un système d’indices permettant d’orienter le joueur sur des pistes qu’il aurait ignorées ; c’est qu’on se retrouverait rapidement coincé sans un coup de main de temps à autre, certaines étapes-clé du jeu étant un poil capillotractées, comme cette visite à une vieille dame qui ne vous laissera entrer que si vous avez eu la judicieuse idée de voler le col d’un prêtre dans la cathédrale Saint-Louis pour vous déguiser en prêtre à votre tour.

Tel qu’on le découvre dans cette version remasterisée, dont j’ignore dans quelle mesure elle reflète l’original, Gabriel Knight : Sins of the Fathers confirme en tout cas sa réputation de classique du genre : prenant de bout en bout et très riche aussi bien dans son écriture que dans son ambiance soignée et sa galerie de personnages mémorables. Un incontournable qui contribue à me rendre encore plus nostalgique d’une époque de l’histoire du jeu vidéo que je regrette d’avoir laissé passer, faute d’avoir eu la bonne machine au bon moment, mais que je prends encore plus de plaisir à redécouvrir avec le recul. Une vraie pépite, en tout cas, que je recommande chaudement aux amateurs de jeux d’aventure fantastiques très axés sur l’intrigue et la narration.

 

 

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Blackwell ou les fantômes de la solitude urbaine

blackwell2C’est au cours de mon exploration du domaine des point’n click à thématique fantastique que j’ai découvert The Blackwell Legacy et ses suites : une série de cinq jeux qui ne paient pas de mine au premier abord mais laissent une empreinte durable sur le joueur. Les graphismes sommaires et le gameplay classique commencent par laisser l’impression d’un jeu anecdotique quoique très agréable ; mais à mesure que l’intrigue progresse, on comprend qu’on se trouve face à une série possédant une réelle sensibilité et un vrai sens du récit.

À la mort de la tante qui l’a élevée, Rosangela Blackwell hérite d’un encombrant cadeau, un esprit nommé Joey, à l’humour pince-sans-rire et à la dégaine de détective privé façon Bogart, qui ne la lâche pas d’une semelle. Comme d’autres femmes de sa famille avant elle, Rosa n’a d’autre choix que d’accepter la mission qui est désormais la sienne : en compagnie de Joey, elle traque les fantômes perdus dans New York afin de les libérer en leur faisant prendre conscience de leur propre mort. Une mission qui va donner un sens à sa vie jusque-là très solitaire, mais qui n’est pas sans prix ; c’est ce même don qui a coûté à sa tante sa santé mentale.

Là où la série Blackwell pèche au niveau du graphisme (encore que ce côté « old school » soit finalement assez agréable), elle compense par la finesse de l’écriture mais aussi de l’interprétation. Les acteurs qui prêtent leur voix aux personnages sont tous très bons, avec une mention spéciale pour le duo Rosa/Joey dont les dialogues savoureux sont pour beaucoup dans le charme de la série. Dialogues souvent très vivants et remplis d’humour, même lorsqu’ils masquent une réalité plus mélancolique ; dans l’un des premiers jeux, on sourit lorsque Rosa, qui vient de prendre sa toute première cuite lors d’un vernissage, se voit rappeler ses « exploits » le lendemain par chaque personnage qu’elle croise. C’est une série qui, en filigrane, parle beaucoup de solitude. Celle des vivants perdus dans l’immensité new-yorkaise qui ne parviennent ni à y trouver leur place ni à accomplir leurs rêves, mais aussi celle des morts qu’il faudra, à force de persuasion, faire sortir du déni. L’un des aspects les plus poignants du jeu est ce gimmick subtil chaque fois qu’un fantôme prend conscience de sa nature : quelques secondes de silence suivies par un « Oh » lourd de sens.

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Le gameplay inventif permet d’alterner entre les deux personnages, Joey ayant accès à tous les lieux de par sa nature de fantôme là où Rosa est la seule à pouvoir agir sur les objets. Les cinq jeux sont courts, relativement faciles et vite pliés, et nécessitent d’être joués dans l’ordre, bien qu’ils présentent des intrigues a priori indépendantes : on y voit peu à peu l’univers s’affiner, les personnages apprendre à se connaître. L’appartement de Rosangela se remplit de souvenirs de ses enquêtes précédentes, les personnages secondaires d’un jeu reviennent dans les suivants, leur rôle dans le tableau d’ensemble se précise. Le deuxième jeu, Blackwell Unbound, se présente même comme une parenthèse dans le récit puisqu’on y incarne Lauren Blackwell, la tante de Rosa, du temps de sa jeunesse, alors qu’elle-même enquêtait aux côtés de Joey. Outre la mythologie propre qu’il développe, le jeu puise aussi dans le folklore new-yorkais, notamment à travers des figures réelles comme l’excentrique Joe Gould.

Le dernier jeu, The Blackwell Epiphany, tranche légèrement par sa longueur, mais aussi par la densité de l’intrigue. C’est là que tous les éléments se rejoignent pour une conclusion en apothéose, par les évènements du final comme par les émotions qu’il réveille. La fin est douce-amère, plus amère que douce d’ailleurs, mais très belle et bien plus poignante que le tout début de la série ne l’aurait laissé attendre. La boucle est bouclée, le voyage n’a pas laissé les personnages indemnes, le joueur pas tout à fait non plus, mais l’aventure a été belle. La série Blackwell est de ces jeux façon Tardis, plus grands à l’intérieur qu’à l’extérieur, qui valent presque autant pour les souvenirs qu’ils vous laissent après coup que pour le plaisir qu’ils procurent en cours de route. Une très jolie découverte.

 

 

 

 

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